Comédie de Molière mise, en scène de Jean-Pierre Vincent, avec Alain Lenglet Julie Sicard, Loïc Corbery, Serge Bagdassarian, Clément Hervieu-Léger, Pierre Louis-Calixte, Suliane Brahim, Jérémy Lopez, Jennifer Decker, Lucas Hérault, Blaise Pettebone, Nelly Pulicani, et Jean-Michel Rucheton.
L'homme contre Dieu, le feu de la purification, la comédie de la vertu, la haine du jouisseur, tous ces thèmes habitent la célèbre pièce de Molière, reprise actuellement au Français.
Dom Juan aime aimer. Faire la cour, abattre les murailles, prendre d'assaut les citadelles, telle est la passion de cet homme intrépide qui ne reconnait pas de limites à sa liberté. Flanqué d'un brave valet, Sganarelle, plus complice et admirateur de son maître que ses fausses indignations de couard vertueux par prudence et faiblesse de moyens le laisseraient penser, il met le feu partout et chez toutes.
Des folles frénétiques, des pères nobles fendus par son épée, des rétives d'un moment peuvent bien lui barrer le chemin, il le trace, sous le soleil implacable de son désir.
Mais un vieux crime mal éteint et la vengeance du Ciel va s'abattre sur l'intrépide. La liberté est punie mais l'homme libre n'a cédé en rien. Telle pourrait être la morale subversive de ce "Dom Juan" vu par Molière.
Une distribution prestigieuse, idéale, sert le spectacle présenté.
Loïc Corbery, Dom Juan d'une grande beauté - il s'en est vu de laids, de torves, de cacochymes - s'empare de l'homme-mythe avec la passion qui est sienne. Il est juste, sombre, lumineux d'orgueil, défiant à souhait, démontrant, une fois de plus, ses qualités de comédien, déployant son jeu avec une progression subtile qui laisse un éclat brutal à la dernière scène.Auprès de lui, Serge Bagdassarian, incarne un Sganarelle de légende, qui marquera tant les mémoires que l'on en parlera à ses petits enfants. Il est rond, drôle, profond, haineux parfois, soumis et ruminant vengeance, atteignant les sommets de son art. Quelle recrue !
Jérémy Lopez et Julie Sicard, les rustiques Pierrot et Charlotte, réussissent leur scène de nigauds, très drôle, elle, si répulsive en fermière-souillon qu'elle laisse mieux paraître la bizarrerie du désir de Dom Juan pour elle. Pierre-Louis Calixte est excellent, comme toujours, à la fois en pauvre, en Gusman et dans la scène d'anthologie de Monsieur Dimanche, fort réussie.
Suliane Brahim incarne une Elvire hystérique, convulsive, virago, un peu outrée mais avec d'émouvants accès. Clément Hervieu-Léger lance de mâles accents, dans le rôle de son frère, déroutant. Enfin, Alain Lenglet compose un Dom Louis, père du héros, brisé à l'excès par la honte de l'avoir engendré.
Jean-Pierre Vincent a réussi une mise en scène vive, belle, pleine d'intelligence, dans le beau décor néo-réaliste de Jean-Paul Chambas, avec les costumes sublimes de Patrice Cauchetier.
La pirouette de la fin est décevante, toutefois, contraire à l'esprit du texte. A moins que l'Enfer ne soit ici ? Mais la qualité de l'ensemble fait oublier ce choix étrange. Le public est acquis.
Une fois de plus, le Français signe un spectacle de son excellence.