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J.R. Helton  (Editions 13E Note)  octobre 2012

Malgré son titre à fragrance célinienne, "Voyage au bout de la blanche" de l'américain J.R. Helton n'est ni un monument littéraire, ni une épopée dans les bas fonds de la vie humaine, ni même une expérience esthétique dans les paradis artificiels.

Dans ce récit autofictionnel, J.R. Helton livre le parcours d'un homme ordinaire, né dans les années 60 au Texas dans "une famille blanche typique de la classe moyenne américaine", qui n'est ni un junky marginalisé ni un artiste en manque d'inspiration, mais un américain moyen représentatif de sa génération, la fameuse génération X née sous le signe de l'anxiété.

Pendant quarante ans, plusieurs boulots dans le bâtiment, puis un poste de professeur d'université et trois mariages, il teste et utilise toutes les drogues disponibles, au sens large du terme, de l'alcool aux champignons hallucinogènes et de la marijuana à l'ectasy en passant par le détournement de médicaments prescrits pour atténuer des douleurs consécutives à des accidents de travail sur des chantiers de construction.

Dès la deuxième page, il revendique son libre arbitre et indique expressément qu'il assume son comportement addictif comme résultant d'une volonté libre et consciente ("La consommation de la drogue a toujours été une décision consciente de ma part").

Les premières pages évoquent nettement le prologue du premier roman de William S. Burroughs, le fameux "Junky", auquel J.R. Helton emprunte également le factualisme.

Sans repentir ni victimisation, il n'invoque ni la pathologie familiale, encore que le foyer familial dominé par un père colérique est qualifié de strict, ni la contamination par abus de faiblesse par l'exemple ou l'incitation, allant même jusqu'à nier l'existence de ce cas de figure ("De manière générale, le dealer poussant à la consommation est un mythe, un produit de la télévision, des films et de la propagande de la guerre contre la drogue aux Etats-Unis").

Tout comme il réfute la notion de toxicomanie ("... cette appellation n'est qu'un jugement socialement conditionné, utile comme moyen de contrôle de la population par le classement et la régulation du comportement individuel") et conteste l'emprisonnement des toxicomanes comme une atteinte à la liberté individuelle refusant toute intervention des pouvoirs publics dans ce domaine ("L'Etat n'a aucun rôle à jouer hormis celui d'aider les contribuables américains à financer des programmes de désintoxication pour le bien commun").

Il dénonce à cet égard le paradoxe américain régi par l'argent : "D'un côté, il y a un gigantesque business qui fait tout pour fourguer des drogues légales et illégales, et de l'autre la DEA (brigade des stupéfiants) au budget faramineux de plusieurs milliards de dollars, et l'administration pénitentiaire à but lucratif, organisée de manière à ramener n'importe quel malheureux couillon dans les rets du système judiciaire pour qu'il demeure empêtré dans un engrenage tout aussi motivé par les bénéfices, et qui ne lâche jamais".

Par ailleurs, il indique qu'aux Etats-Unis dans les années 80, la consommation d'alcool et de drogue était très largement répandue dans toutes les classes sociales et constituait quasiment une manière de vivre sinon un phénomène sociétal induit par l'american way of life ("Comme la plupart des américains modernes, j'avais été conditionné à rechercher la satisfaction immédiate pour obtenir ce que j'avais été préconditionné à désirer, à la demande. C'était mon droit inaliénable de citoyen : obtenir tout ce que mes sens me réclamaient participait de ma liberté. En matière de drogues, j'avais voulu toujours plus").

Il fait également part de sa conviction tenant à ce que tout, même la cinéphilie par exemple, peut conduire à la dépendance et s'avérer plus dangereuse que l'ingestion de stupéfiants dès lors que l'addiction est mentale, et donc plus grave que la dépendance physique.

Et, à cet égard, il insiste à plusieurs reprises sur le fait qu'il considère que la télévision constitue la drogue "la télévision est la cause de graves et irrémédiables lésions cérébrales. En tant qu'adultes, nous prenons la décision de la regarder, mais cela relève de l'irresponsabilité, de la fainéantise et de l'ignorance de laisser les enfants consommer cette drogue et succomber à ses effets".

S'agissant des matières stupéfiantes, il précise, d'une part, qu'il était quasiment plus facile de se procurer de la drogue que de l'alcool et, d'autre part, que la consommation de certaines drogues, dont l'ectasy, était "légale". Les Etats-Unis auraient alors été massivement noyés sous la drogue notamment parce que les avions américains qui acheminaient les armes en Amérique Centrale pour l'armée terroriste du Nicaragua, créée par Ronald Reagan et Bill Casey, ne revenaient pas à vide mais remplis de cocaïne à fins de financement dont une grand partie transitait par Texas.

Quant à l'addiction médicamenteuse, elle aurait été largement favorisée par le lobby de l'industrie phamaceutique qui avait, avec la HMO, l'organisme privé médical assurant un forfait santé, la main mise sur les sénateurs et les membres du Congrès dont ils finançaient en partie les campagnes.

Mais cela ne suffit pas à expliquer le parcours du bonhomme qui n'est pas l'hérétique de la sensation décrit par Henri Michaux ni le libertaire de Burroughs pour qui la drogue n'est pas un moyen d'embellir la vie mais une façon de vivre.

Il faut grappiller au long de monotones compte-rendus de trips et de gueule de bois du lendemain qui, avec leur concert de malaises, nausées, hallucinations, dérèglement du transit intestinal et autres réjouissances narrées par le menu pour dispenser les mérites et inconvénients comparés des diverses substances prises souvent en cocktail, ne donnent vraiment pas envie de s'y essayer pour se rendre compte que le terrain était miné et que sa démarche, qui n'a rien de flamboyante, est celle d'un gagne-petit qui cherche tout simplement un remède miracle contre l'ennui et vacuité angoissante de la vie.

Le personnage a été un enfant victime de crises de rage incontrôlables qu'il estime dues à son esprit exacerbé de la compétition en sport, puis un adolescent qui somatisait son désarroi intérieur par des brûlures d'estomac permanentes et des ulcères, pour lesquels la marijuana présente "l'attrait du mystère d'une substance qui permettait d'échapper à la réalité", et ensuite un homme anxieux, angoissé, mélancolique ("pour ne plus souffrir ni de douleur ni d'ennui"), insomniaque par peur de la mort ("Pour moi, parfois, c'est comme mourir, chaque soir, et je ne peux m'empêcher de me cramponner à ma conscience éveillée à la dérive") et de nature introverti et solitaire ("Je n'aimais vraiment personne à l'époque, à l'exception peut-être de l'un de mes chiens") même s'il se marie à plusieurs reprises toutefois toujours avec des femmes qui partagent ses trips.

Même son appétit sexuel exacerbé n'est qu'un remède (..."peut-être que le sexe au quotidien était-il pour moi une fuite ou un répit") face à une vaine quête sinon de sens du moins de bonheur qu'il a parfois, mais très rarement, éprouvé ("J'étais là et j'étais vivant. Et je savais que c'était bon. Je n'avais besoin que de moi-même, je n'avais pas besoin de stimulus chimique extérieur, juste moi, mon corps, mon envie de vivre et ma conscience").

Que le lecteur se rassure, J.R. Helton a survécu, n'ayant jamais plongé dans une dépendance profonde grâce sans doute à une solide constitution physique. Il a vieilli aussi et le corps, tout simplement, lui autorise moins de débordements. Il ne prend plus de drogues qu'à des fins "récréatives ou de divertissement".

 

MM         
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