Réalisé par Louis-Do de Lencquesaing. France. Comédie dramatique. 1h33. (Sortie 17 octobre 2012). Avec Louis-Do de Lencquesaing, Marthe Keller, Alice de Lencquesaing, Valentina Cervi et Xavier Beauvois
Voilà un film qui a tout pour "cliver" la critique et les spectateurs.
Héritier de la Nouvelle Vague, petit frère d'Arnaud Desplechin, d'Olivier Assayas et de Pascal Bonitzer, Louis-Do de Lencquesaing raconte sa vie de fils de famille ayant choisi d'être artiste.
Quintessence du bourgeois bohème de gauche ayant des parents de droite et une fille antiraciste, il considère le monde parisien qui l'entoure comme un jeu de pistes où il y a toujours quelqu'un à aimer ou à séduire. Évidemment, un écrivain rencontre encore une fois une illustratrice et, voix off oblige, on se dit que le monde de Paul n'est décidément pas très loin de celui de Truffaut et qu'Antoine Doisnel en 2012 serait certainement le héros d' "Au galop".
Mais, au lieu d'être déjà réfractaire au concert de louanges que lui réserveront les grands titres de la presse et de ranger sans ménagements le film de Louis-Do de Lencquesaing dans la catégorie du cinéma d'auteur très français qui n'intéresse que les quelques-uns qui le font ou les quelques autres qu'y s'y retrouvent, on soulignera chez lui un atout majeur qui n'apparaît pas chez nombre de ses pairs : le charme. Un charme doublé d'élégance et de bonne distance.
Acteur plus mélancolique que nonchalant, Louis-Do, comme tous les aristocrates qui dérogent dans les arts, s'attache en effet à raconter la fin d'un monde et sa croyance folle, presque bienveillante, en la possibilité d'un autre. Tout tourne autour de la mort de son père et des bouleversements qu'elle va provoquer affectivement comme financièrement. C'est la fin d'une Cerisaie qui n'est d'ailleurs qu'une Pommeraie. C'est une mère perdue qui part dans son propre monde.
Avec "Au galop", Louis-Do de Lencquesaing a réussi à créer un vrai climat 'post-mortem' bien plus convaincant que son référent Desplechin. On ne parlera pas ici de vie des morts mais de survie des vivants, dans une ambiance un peu cotonneuse où chacun agit dans un état second, celui qui précède le temps de faire son deuil (s'il est possible).
Excellent directeur d'acteurs, et surtout d'actrices, il permet à la trop rare Marthe Keller d'inonder la pellicule de son immense talent. Il révèle la fragilité toute écorchée de Valentina Cervi qui se lit dans ses très beaux dessins. Il donne à sa fille, Alice de Lencquesaing, la première occasion de ramener un footballeur dans un cinéma conçu d'ordinaire pour rester sociologiquement entre petits blancs du même milieu.
Moins fabriqué qu'un film de Bonitzer, moins donneur de fausses leçons cinématographiques qu'un pensum de Desplechin, moins souffreteux qu'un film d'Assayas, "Au galop" de Louis-Do de Lencquesaing séduira les amateurs de films d'auteurs à la française. Il peut décemment revendiquer le label Truffaut et se regarder comme le film d'un homme qui aime le cinéma et s'en sert pour bien se raconter. |