Monologue dramatique écrit par Fred Bianconi d'après le roman éponyme de Laurent Graff, dit par Fred Bianconi dans une mise en scène de Panchika Velez.
Patrick, une sorte de anti-héros, croupier au casino, qui vit dans un petit appartement et met dans sa valise flambante neuve et jamais servie tous ses rêves d’avenir. Des rêves de voyage.
Où ? Il ne sait pas mais loin, très loin de son quotidien morose. Et tous les jours, il édifie autour de l’objet des projets qu’on comprend de plus en plus chimériques.
Adapté du roman éponyme de Laurent Graff, "Voyage, voyages..." est l’histoire d’un homme perclus de solitude qui se rattache à de petites choses, des détails pour se sentir exister et oublier la tristesse de sa vie et de sa ville, Caen.
Ce pourrait être très triste (ça l’est au fond) mais la plume de Laurent Graff, fine et insidieuse, a le don de transformer des scènes anodines en moments d’anthologie et l’on rit énormément des aventures de Patrick, victime de sa propre logique, aux prises avec un médecin qui lui inocule tous les vaccins possibles ou un armurier qui lui refile un couteau de survie.
Les séquences, qu’on savoure avec délectation, se suivent à un rythme régulier et sont toutes piquantes et inattendues. Les contours flous de cet homme insaisissable, à la fois touchant et inquiétant, nous renvoient à nos propres rêves, nos peurs et nos déceptions. En cela, "Voyage, voyages …" est un très grand spectacle qui parle à chacun et nous laisse une trace durablement.
La fin, éminemment poétique donne une tonalité grave à l’ensemble et encore plus de poids au voyage intérieur de Patrick qui aura, à défaut de pouvoir partir physiquement, réussi à s’alléger et à trouver le moyen de donner un sens à sa vie par la grâce d’un rebondissement inattendu et poignant.
Le spectacle est enveloppé de la patte délicate et inspirée de Panchika Velez à la mise en scène qui parvient avec une précision de tous les instants à nous faire voyager en même temps que Patrick.
Entre polar - pour l’univers sonore (brillamment orchestré par Bruno Ralle et Guillaume Siron) et la bande-dessinée (belle scénographie de Claude Plet), Fred Bianconi seul en scène nous embarque avec lui à la faveur d’un jeu subtil qui balaye une large palette d’émotions et, magnifiquement dirigé par Panchika Velez, donne à ce looser attachant une vraie humanité.
Sans oublier les lumières soigneuses de Didier Brun et les costumes efficaces de Marie-Christine Franc, tout concourt à donner à ce spectacle profondément déroutant et déchirant, une belle unité artistique et à en faire un splendide objet théâtral. Bravo. |