Dans la deuxième moitié du 19ème siècle, avec l'ouverture du Japon aux échanges commerciaux avec l'Occident après trois siècles d'autarcie naît la vogue de japonisme.
Tous les peintres français de Fantin-Latour à Gauguin en passant par les impressionnistes, découvrent l'art de l'estampe dans lequel les grands maîtres japonais de l’ukiyo-e révèlent leur art de la composition résultant d'une intégration subtile de la perspective occidentale à la perspective japonaise héritée du rouleau peint.
Parmi eux, Van Gogh a été tout particulièrement influencé par Hiroshige, ce que l'exposition "Van Gogh - Rêves de Japon" proposée par la Pinacothèque de Paris - qui privilégie l'exposition de mise en résonance à la monstration monographique - propose d'illustrer avec les prêts du Musée Kröller-Müller d'Otterio aux Pays-Bas, détenteur d'une des plus importantes collections de toiles de Van Gogh, et les estampes de Hiroshige - auquel, par ailleurs, est consacrée une exposition monographique, "Hiroshige - L'art du voyage" dans le même lieu - provenant du Museum Volkenkunde de Leiden
Van Gogh - Le Japon en Provence
La Pinacothèque de Paris invite donc à une confrontation certes "audacieuse" comme l'indique Marc Restellini, le directeur de la Pinacothèque de Paris, mais qui repose non sur quelques oeuvres isolées mais sur l'analyse que la majorité des paysages peints par Van Gogh à partir de 1887 et lors de son séjour en Provence sont construits selon la technique du Maître d'Edo.
Conçue sous le commissariat de Sjraar van Heutgen, historien d'art qui fut jusqu'en 2010 directeur de collections au Van Gogh Museum d'Amsterdam, l'exposition présente une trentaine d'oeuvres réalisées entre 1883 et 1890, principalement les oeuvres ultimes, qui, associées aux estampes de Hiroshige, conforte cette analyse.
Ainsi, sont appariées des oeuvres qui permettent en évidence les similitudes qui tiennent aussi bien à la composition comme celle du "Pont basculant à Nieuw-Amsterdam" qu'au séquençage "à la japonaise".
Ainsi en est-il par exemple de la "Vue des Saintes-Maries-de-la-Mer"
mais aussi des "Champs de blé dans un paysage de montagne", "Paysage aux gerbes de blé sous la lune" et la "Botte de paille sous un ciel nuageux".
Les similitudes peuvent également apparaître dans le registre des attitudes qui sont illustrées par les "Les paysannes bêchant les pommes de terre" et "Le Bon Samaritain" réalisé toutefois d'après l'oeuvre éponyme de Delacroix.
La démonstration est toutefois plus probante dans le registre du paysage avec la saturation chromatique liée à la palette de couleurs pures, l'utilisation de la droite, souvent en diagonale, et du cercle dans la perspective axonométrique pour dynamiser la représentation de l'espace ("Allée dans un parc", "Route de campagne", "Le jardin de l'asile à Saint Rémy de Provence") et des cadrages singuliers ("Pins au coucher du soleil", "Tronc d'arbres dans l'herbe et pelouse fleurie").
Toutefois, si l'hybridation des perspectives et la maîtrise du séquençage absorbent le regard et incitent au voyage méditatif, les estampes de Hiroshige restent de belles images en deux dimensions.
Par le traitement vigoureux de la matière et leur puissance expressive, les paysages de Van Gogh n'invitent pas au voyage. C'est la fin du voyage avec l'immanence du monde qu'il révèle.
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