Récit à deux voix d'après le Journal de Mouloud Feraoun conçu et mis en scène par Dominique Lurcel, avec Samuel Churin et Marc Lauras au violoncelle.

"Le contraire de l’amour" retrace les évènements de la guerre d’Algérie à partir des extraits du journal tenu par Mouloud Feraoun, écrivain kabyle.

Mouloud Feraoun instituteur à Tizi Hibel village de l’Algérie française a commencé dès 1955 à décrire la vie quotidienne à l’heure de l’insurrection algérienne sous le conseil avisé d’Emmanuel Roblès. Il est exécuté par des membres de l’OAS en 1962 peu avant les accords d’Evian qui proclament l’indépendance de l’Algérie.

A travers cette adaptation pour le théâtre, Dominique Lurcel met en scène les réflexions intimes de l’instituteur kabyle, incarnation dans sa chair, dans sa langue et sa vie, des ambigüités de l’occupation française. Mouloud Feraoun n’est pas partisan.

A-t-il jamais songé que la situation devenait critique en Algérie au sortir de la deuxième guerre mondiale, que la colonisation pouvait être remise en question ? La France lui a permis d’être instituteur et un homme de Lettres honoré, il est devenu un vecteur de la culture française en Algérie. Comment désigner l’ennemi lorsqu’il est intérieur ?

Dominique Lurcel choisit un récit à deux voix : un dialogue violoncelliste/ comédien dans un espace resserré qui figure l’intime d’une chambre ou d’un bureau. Samuel Churin incarne la voix de l’écrivain kabyle et Marc Lauras, au violoncelle, les sons lointains du conflit : dépêche de presse, grondements stridents du chaos et de la confusion.

Samuel Churin s’approprie avec brio, les doutes, les interrogations, les colères de Mouloud Feraoun, il se transforme à sa suite en passeur de mémoire, voix de toutes celles, brisées des victimes civiles. Feraoun a constaté l’impossible cohabitation des Français et des Arabes en Algérie, les uns conservant leur supériorité sur les autres : chacun dans les limites d’un jeu donné dès le départ : les vainqueurs pour les premiers et les vaincus pour! les seconds, ayant alors les mêmes droits sur la terre de l’Algérie.

Plus qu’un drapeau national lancé au point, Feraoun fait résonner le mot "dignité" comme principale revendication, juste, indiscutable pour se rebeller et restaurer les Algériens dans leur dignité d’hommes et de femmes, de citoyens libres et fiers. D’outre tombe, il nous donne encore à réfléchir.