C’est la première fois que ça m’arrive : mettre un CD dans ma platine (non pas ça, la suite !), me dire que ça doit être certainement mieux sur scène, trouver mes amplis peu amplificateurs, chercher des images dans plusieurs coins de ma tête… C’est exactement l’effet que m’a fait Bémer et son Minute Papillon. Pourtant, je n’avais pas lu le dossier de presse, à peine jeté un œil au visuel, même pas encore lu les cousinages à Mon Côté Punk et La Rue Kétanou… Autant dire que j’étais séduite avant de me laisser approcher !
2007, dans le 93, Bobigny… Mettons de côté ce que les JT nous ressassent, il n’y a pas que des coups de couteaux et des voitures en flammes là-bas, il y a aussi une pléiade d’artistes qui ne demandent qu’à parler plus haut. C’est ce que le prix du Grand Zebrock vise également. Un genre de scène crochet suite auquel les groupes sélectionnés ont un petit coup de pouce pour aller plus loin. Bémer est de ceux-là, millésime 2007… 2012 : deuxième album.
Bémer de son petit nom Emanuel chante et joue, à se demander s’il écrit parfois autrement que pour garder mémoire. La spontanéité transparait dans ses paroles, tant les rythmes vocaux et musicaux s’entremêlent. Dès la première écoute, vous serez capable de suivre les rythmes, et si vous n’avez pas les paroles, vous en inventerez, tellement les consonances paraissent naturelles.
Mais c’est sans compter le familier "Minute Papillon !", reste un peu pour voir, attend un petit laps… Si vous prenez le temps d’écouter (en vous retenant de bouger, sauter, danser ou rigoler), vous retiendrez les jeux de mots ("J’en ai marre, je suis à bout, j’en ai marabout", "Des bouts"), aimerez (et reprendrez) ses réflexions ("Le temps où la gentiane était une boisson", "La Place de la Nation"), ses expressions ("attention me voilà cuidado, il faut que je te conquiste", "Le conquistador").
Les instruments utilisés n’ont pas de nom connu à mon vocabulaire, je les trouve fruités, frais, légers, graves sans drame, et tous gorgés d’une énergie communicative. Les pros des zicos étiquettent plutôt folk-rock, avec banjos, guitares, cor et compagnie… C’est à mon avis la musique de la semaine qui se souvient du week-end, cette façon de faire musiquer avec la voix et de faire parler les instruments, ses sujets revus et corrigés de sa plume teintée d’humour noir et de dérision, cette manie de rendre harmonieux des mots plutôt crochus comme le cauchemar des orthophonistes : "pygmalionne", ou le guttural rrrr "l’horreur de l’erreur, la syntaxe et l’erreur, pas de ma faute c’est la leur…".
Mais il réussit, ce Bémer apparemment désinvolte, sait avec brio emmener ses auditeurs jusqu’au bout des consonances, allitérations, paraboles et j’en passe… pour 12 titres audacieux et vitaminés. Une belle parenthèse à accrocher au sapin. |