Tandis que la pluie innonde les rues de Ménilmontant, nous arrivons en ce samedi soir dans la salle de la Maroquinerie dans laquelle nous constatons que le déluge de l'extérieur se voit à l'intérieur, une belle fuite d'eau venant du plafond et glissant le long des éclairages arrose copieusement le centre de la salle.
Fort heureusement, la pluie cessant, la fuite en fait autant et le concert peut commencer presque normalement dans une Maroquinerie déjà bien remplie pour un début de soirée.
Les gens sont sagement assis et arrivent sur scène Lisa Portelli et son guitariste Yann Féry, chacun situé de chaque côté de la scène, laissant la place dans l'espace central à un grand écran.
Sur cet écran sera projeté Prises de vie, un film présentant au travers d'un montage d'images d'archives la vie de Pierre Guenoun pendant 10 ans. Rien de spectaculaire, au contraire. Des moments entre amis (beaucoup), des enfants, des rires, des filles, juste quelques moments qui ont été immortalisés à l'époque et qui sont là comme un témoignage sans pour autant apporter forcément un regard pertinent, simplement des instants qui, sur le moment, semblaient importants d'être filmés et qui, au final, doivent représenter pas mal de moments similaires dans nos propres vies.
De part et d'autre de l'écran officient donc Lisa Portelli et Yann Féry. Discrets, l'un utilise un sampler et une guitare, l'autre une guitare et sa voix, presque un murmure pour poser sur ces images non pas des mots, ni même des mélodies pop, mais des ambiances, des émotions qui viennent donner vie à ce film muet. C'est étrange et étonnant, original et la surprise passée, captivant pour peu que vous vous laissiez porter sans aller chercher trop loin un concept qui n'existe pas. Des émotions, voilà tout.
Rapide changement de scène pour la suite. On plie l'écran. On balaie l'eau qui continue d'inonder le parterre et le public se lève, remplissant joliment la salle.
Sur une scène épurée (Benjamin Vayron, batteur sur la droite, guitariste à gauche et Lisa Portelli au centre, pas un seul ampli, relégués sur les côtés) arrive donc le trio, timide et traqueur pour cette dernière date de la tournée associée à l'album Le Régal. Ça démarre gentiment avec "Vaste Vague" mais on voit rapidement que le batteur et le guitariste maîtrisent leur sujet, même si parfois on aurait aimé plus de nuances dans le jeu de batterie comme ce fut le cas plus tard sur "En sueur".
Lisa Portelli est pleine d'appréhension, peut-être de doutes aussi, plaisantant sur la faible billetterie du concert au profit d'invitations venues aider au remplissage. Mais qu'importe, des concerts elle en a fait d'autres et des bien remplis, ici on est effectivement entre amis et entres fans, où est le mal ?
Il ne faut pas longtemps pour que Lisa reprenne de l'assurance, les morceaux s'enchaînent alternant titres très rock avec des guitares très puissantes (et Lisa Portelli n'est pas la dernière à faire entendre sa belle Fender) et chansons plus intimistes.
Une constante, en fait deux : les très élégants textes, pleins de finesse et loin de la chanson française pompier, et la voix, à la fois fragile et déjà bien affirmée dans un style tout à elle (d'aucun diront qu'il y a quelques choses de Vanessa Paradis en elle, mais cela tient peut-être plus à son beau sourire qu'à son style musical.
Les morceaux s'enchaînent vite et le set semble bien court. Lisa Portelli tente quelques gentils mots avec le public mais sa timidité et sans doute l'émotion de la dernière date ont raison d'elle ("merci d'être là, c'est la dernière date après deux ans de tournée et... je sais pas") et paradoxalement lui donnent un charme fou.
Le set sera parsemé de quelques bonus comme l'arrivée sur scène du batteur suppléant, Nicolas Rajaonarisoa, qui a également tourné avec elle et qui viendra renforcer la section rythmique (dépourvue de basse par ailleurs, c'est assez rare et ça ne manque aucunement), ou ce chœur de jeunes filles rencontré au début de sa tournée et venu logiquement pousser la chansonnette sur cette dernière date. Anecdotique mais tout à fait amusant.
On oublie trop souvent qu'un concert véhicule des émotions avant d'apporter à tout prix du spectaculaire et pour le coup c'est réussi. Il suffit de voir le public danser, taper des mains et sourire à pleines dents pour s'en convaincre.
Lisa Portelli glissera quelques titres solo guitare-voix comme elle l'avait fait pour sa Froggy's session. Elle jouera d'ailleurs "En sueur" et "Sombrer" (pour laquelle elle justifie que Dieu peut être même une chaussure... n'empêche que ça jette un léger froid dans le public son histoire de grenouille de bénitier. Pourtant, la chanson est superbe et touchante).
Avant de terminer sur le très éthéré et non moins magnifique "Dans l'air", le trio reprendra "L'au-delà" de Jean-Louis Murat tentant vainement de faire chanter un public très majoritairement ignorant de l'existence de l'auvergnat. Qu'importe, la reprise est réussie même si la tentative d'imitation des petits cris inimitables de Murat était superflue.
Jeune et jolie, Lisa Portelli est loin des stéréotypes du genre. Elle sait bigrement bien écrire des chansons, très poétiques, et sait tout aussi bien faire gronder sa guitare. En espérant ne pas trop attendre le prochain album qui lui aussi devrait être "Un Régal". Quoi qu'il en soit, on peut désormais le dire : concert pluvieux, concert heureux.
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