Aline n’aurait pu être que le groupe d’un tube imparable, "Je bois et puis je danse", titre de l'année 2012. Aline n’aurait pu sortir qu’un bon disque de pop. Il n’en est rien. Regarde le ciel est tout simplement un disque extraordinaire, dans le sens où il sort de l’ordinaire, et dépasse amplement toute les espérances. Disque profondément humain, Aline parvient avec ce Regarde le ciel à cette alchimie presque parfaite de l’alliage entre sonorité pop gracile et paroles proches de l’intime.
Il faut dire que ce disque a été enfanté aussi dans une certaine douleur. Romain Guerret et Arnaud Pilard ont connu les galères, un premier groupe, Dondolo en forme d’espoir déçu, puis une mue qui les a fait passer de Young Michelin à Aline. C’est cet humus qui est drainé dans ce disque. La reconnaissance de sa part de fragilité et d’humanité.
Regarde le ciel est un disque d’une rare cohérence, ce qui n’était pas forcément gagné d’avance car agrégat de plusieurs années de compositions. Cohérence due à cette évidence pop aussi bien héritière de la twee pop façon Sarah Records que des Smith ou de Daho et Elli & Jacno. Une musique qui sait flatter le cœur et l'esprit, pas regardante sur les envolées lyriques, à la ligne claire à la fois limpide et épurée, accessible sans être candide, pas avare en riffs ou en distorsions, tout simplement belle. De l’orfèvrerie mélodique intelligente et rêveuse.
Cohérence aussi avec cette dualité entre musique accrocheuse et paroles désenchantées. Il y a des nuages dans le ciel d’Aline, de ceux qui fendent le cœur. Disque d’âpres confessions tristes ou gaies sur les difficultés de l’amour, de le trouver et de le perdre. Jamais naïfs ni nombrilistes, les textes nous parlent avec simplicité comme rarement auparavant. C’est avec surprise, enfin pas tant que cela vue la qualité d’écriture musicale du groupe et, preuve du pari gagné par les Marseillais, que l’on se prend à siffloter ses chansons pas si légères que cela. "Pleurer des larmes de sang, qu’elle n’en voudrait pas, un tas de cendres me glisse entre les doigts, elle m’oubliera…"
A l’heure d’un retour aux années 80 où l’on met l’accent sur des jeunes gens faussement modernes, Aline se hisse largement au-dessus des autres, et montre que la vraie modernité est d’accepter ses fêlures et ses blessures et d’en faire de superbes chansons. |