Comédie dramatique écrite et mise en scène par Marie Raphaële Billetdoux, avec Lou de Laâge, Léa Dauvergne, Camille Lockhart, Jeanne Monot, Margaux Vallé, Djinda Kane et Aurélie Noblesse.
Dans la carrière de tout comédien, il y a un moment de vérité, celui où il fait face à son destin, celui où il va chercher à séduire celui qui peut le choisir.
Comme il ne sait pas précisément ce que veut le réalisateur ou le metteur en scène, l’acteur hésite à se présenter tel qui est ou tel qu’il imagine que le deus ex machina qui le "caste" a envie qu’il soit…
Dans "Entrez et fermez la porte", Marie Billetdoux a choisi un dispositif radical pour traiter la question.
D’un côté, il y a une douzaine de jeunes filles, belles, intelligentes, chacune riche d’une vraie personnalité au-delà des stéréotypes vestimentaires et des apparences comportementales. De l’autre, un réalisateur invisible, jouissant de cette invisibilité, conscient de son pouvoir, et qui semble apprécier particulièrement cette première étape, celle où il observe des jeunes filles réagir à l’obscénité de ses propos ou à l’incongruité de ses propositions.
Sur une scène où il y a un siège, quelques draps blancs tendus sur les murs et un projecteur pour éclairer chaque candidate, vont donc défiler de jeunes actrices pour répondre aux questions déroutantes posées par un réalisateur à la voix chaude, un ectoplasme qui se permet tout en toute impunité.
Ce qui ne pourrait être à la longue qu’un défilé routinier de belles jeunes filles diaphanes ou effrontées, égarées ou concernées, devient, grâce à Marie Billetdoux, un moment agréable agrémenté d’un suspense qui évolue d’ailleurs au cours de la représentation : à la question liminaire "Qui sera choisi ?" succède chez le spectateur une interrogation pleine de doute : "Y aura-t-il une élue ? Quel est le dessein de cet homme intrusif et coléreux qui se cache ?". On oserait même se demander s’il y a un réel but dans sa démarche…
On imagine que, pour sélectionner ses sept postulantes, Marie Billetdoux a procédé autrement que son personnage à la voix de Jacques Higelin. Toutes sont si justes, si impliquées qu’on suppose que de "vrais" réalisateurs viendront voir "Entrez et fermez la porte" pour s’économiser l’épreuve d’un casting.
Face à la voix enregistrée d’un Higelin, qui réussit le tour de force de faire croire à sa présence "off", elles sont toutes totalement "raccord", totalement dans l’exercice, et défendent crânement leurs chances.
On s’autorisera ainsi à toutes les citer, en leur promettant de belles carrières, comme celle déjà entamée par la première à apparaître sur scène, Lou de Laâge, qui aurait largement mérité d’être "césarisable" et "césarisée" pour "Nino" de Thomas Bardinet.
Retenez donc ses sept noms cachant de beaux minois d’actrices à suivre : Lou de Laâge, Léa Dauvergne, Djinda Kane, Margaux Vallé, Jeanne Monot, Camille Lockhart et Aurélie Noblesse.
Si l’on se souvient que Marie Billetdoux, sous un autre prénom, a écrit des romans adaptés au cinéma, on soupçonnera que le personnage du réalisateur est inspiré par celui qui adapta pour l’écran "Mes nuits sont plus belles que vos jours".
Quoi qu’il en soit, il ne faut pas rater ce joli moment de vrai théâtre créé par Marie Billetdoux, et dans lequel elle réussit à recoller avec subtilité tous les morceaux de son puzzle personnel. |