Il est grand temps de cesser de résumer la Russie à Depardieu, les Pussy Riot et leur plat national si indigeste, le Poutine (enfin on se comprend). Et puis ce n'est pas si courant qu'un groupe de rock passe les frontières pour arriver jusqu'à chez nous alors il n'y a vraiment aucune raison de ne pas saisir l'occasion de parler de Motorama d'autant que Calendar, leur premier, album est formidable.
Signalons avant tout que Calendar est sorti chez Talitres, irréprochable label bordelais que l'on ne présente plus mais qui, il est bon de le rappeler, a été le premier à nous faire découvrir The National avant que les américains ne voguent de leurs propres ailes (sic) en allant sur un plus gros label avec le beau succès mérité qu'on leur connaît.
Et si je parle de The National plutôt que des autres artistes de chez Talitres (citons pour rappel Stranded Horse, Flotation Toy Warning, Ewert and the Two Dragons...), c'est que chez Motorama il y a quelque chose de leurs aînés américains. Quelque chose que The National avaient même hérité de leurs aînés anglo-saxons. Un joli tour du monde musical donc. On retrouve donc chez les russes cette noirceur endémique, portée par une voix sombre, des rythmiques étouffées et des guitares pleines de reverb à faire palir les plus cold wave des groupes cold wave des années 80.
"Image" ouvre l'album et c'est là que le sentiment d'entendre Matt Berninger est le plus prégnant. C'est puissant et prenant, cela vous tire par les pieds pour ne plus vous lâcher jusqu'au bout du disque. "White lights" continue le boulot et là c'est plutôt à Smith des Editors que l'on pense, pour le chant mais aussi la musique dont les reverb nous ramène à une époque révolue où Little Nemo était encore en activité (pas le poisson mais le groupe français). Parfois aussi, lors de quelques envolées vocales de Vladislav Parshin, on devine une petite influence Tindersticks qui traîne ("During the years").
Toutes ces références plus ou moins directes et lointaines (on ne va pas repasser en revue tous les groupes cold wave anglais des 80's car il faudrait recenser la moitié de la Grande-Bretagne) ne sont pour autant pas si handicapantes qu'elles peuvent l'être pour d'autres projets musicaux du genre. Ici point de pathos joy divisionesque (syndrome bien connu chez le jeune fan de cold wave), pas davantage de volonté de reproduire à l'identique. On pense bien sûr au fil de l'écoute de Calendar à Interpol et Editors, aux XX mais sans que jamais les morceaux de Motorama ne tombent dans le "déjà vu" ou la copie carbone.
Par ailleurs, l'album tient parfaitement la distance sans s'essouffler et si certains titres font office de tubes comme "Sometimes" ou "In your arms", chaque titre apporte sa pierre à l'édifice sans jamais sombrer dans le superflu ou la facilité. Motorama s'y connait en vague de froid et leur cold wave a su prendre de la distance et surtout de la hauteur avec le genre et Calendar est un petit bijou de rock'n roll, tout simplement. |