Réalisé par Denis Côté. France/Canada. Documentaire. 1h12. (Sortie 27 février 2013).
Voilà un film qui restera un vrai mystère.
Denis Côté a décidé de filmer pendant une année un zoo canadien, une espèce de Thoiry pour emmitouflés.
Mais sa manière bien à lui d’aborder le sujet, de filmer et de mettre en forme ce qu’il a filmé peut susciter deux réactions différentes.
Si l’on entre dans son "Bestiaire" où les animaux ne sont pas toujours ceux que l’on croit, on sera envoûté par cette balade nonchalante et peu spectaculaire, on sera happé par ce monde parallèle et absurde dans lequel sont accumulés des animaux qui doivent cohabiter alors qu’ils n’ont rien à faire ensemble dans la nature.
En revanche, si on ne sent pas l’odeur cinématographique des fauves ou des zèbres, si on reproche à Denis Côté de ne pas avoir cherché des images particulièrement signifiantes, des cadres qui prouveraient sa maîtrise professionnelle et l’expression de son regard de cinéastes, un montage à la recherche d’une logique, on pourra bâiller aux corneilles pendant ces soixante-douze minutes de visite qui sembleront aussi longues qu’une existence d’orang-outang dans sa cage vitrée.
Autre mystère qu’on ne résoudra pas : celui du point de vue de Denis Côté sur la triste condition animale dans un parc zoologique. Car son intérêt semble ailleurs.
Il regarde plutôt ceux qui regardent, ceux qui, enfermés vitres fermées dans leurs "chars", appartiennent à une drôle de race animale. Ces drôles d’oiseaux en tee-shirt et en surcharge pondérale ont-ils un sort plus enviable qu’une autruche ou une girafe prisonnières à vie dans ce zoo ?
Dans son "Bestiaire", Denis Côté inclut donc des bêtes bipèdes qui en le regardant pourront même se regarder en train de regarder. Quelques semaines après la vision de "Bestiaire" de Denis Côté, on sera surpris qu’il reste en tête, que des images d’animaux reviennent avec insistance, tout comme les réflexions qu’on pouvait se faire pendant qu’on le voyait. Preuve sans doute qu’il faut se ranger du côté de ceux qui auront apprécié ce film, qui connaît un succès insensé dans les dizaines de festivals où il a été sélectionné.
"Bestiaire" est un moment singulier dans un ailleurs présent au cœur de toutes les grandes villes du monde, un voyage immobile plus dépaysant qu’on ne se l’était imaginé. On fera l’hypothèse hardie que "Bestiaire" est un vrai film moderne, un des seuls préfigurant le monde à venir, morne, répétitif, à la merci d’un plan de cheval ou de vache… |