Réalisé par Erick Ifergan. Etats-Unis. Documentaire. 1h30. (Sortie 1998). Avec Vincent Gallo, Nina Brosch, Seymour Cassel et Louise Fletcher.

Voilà un film qui mérite le nom d’OVNI ou plutôt d’OFNI (Objet Filmé Non Identifié). "Johnny 316" est l’œuvre d’un photographe français débarqué tout jeune à Los Angeles, Erick Ifergan.

Artiste célèbre pour ses performances et ses clips, il a décidé de tourner de la plus radicalement indépendante des manières son premier film. C’est ainsi qu’il lui faudra plus d’une décennie pour "finir" en 2012 ce film hors du commun.

Tout commence par un homme qui flotte au-dessus d’une rue. Puis apparaît un cul-de-jatte qui nettoie les étoiles dessinées sur le sol d’Hollywood Boulevard. Derrière lui, l’homme qui volait, il y a un instant, prêche au coin de la rue l’arrivée de Dieu. Il est habillé dans un costume blanc, porte des chaussures elles aussi immaculées. Les cinéphiles, et beaucoup d’autres, reconnaîtront qui est ce moderne Jean-Baptiste, ce barbu habité par la parole du Seigneur…

Eh oui, c’est Vincent Gallo. L’acteur d’une beauté étrange qui hante le cinéma américain du vingt-et-unième siècle. Le hérosé-réalisateur de "Buffalo 66", qu’on a vu chez Abel Ferrara, Francis Ford Coppola. Il est au début de sa carrière, totalement pur, totalement disjoncté, totalement pas banal.

Dans ce film qu’on peut vraiment appeler un "film de photographe", qui rappelle ceux de William Klein et de Robert Frank, souffle le vent d’une Amérique perdue, celle où un épicier peut donner gratuitement un œuf à quelqu’un qui le bénit, celle où la petite coiffeuse sexy qui nourrit sa mère impotente se rêve Sally-Salomé…

Évidemment, le film n’est qu’une éternelle digression entre deux intertitres livrant leur lot de références divines. Long est le chemin qui mène à l’inévitable et fatale rencontre du prophète et de sa tentatrice. Dans cette ville de grande solitude où chacun ne parle qu’à soi-même, il n’y a pas d’autres alternatives que le sacrifice du prophète par le proxénète, avec, comme clou du spectacle, la tête symboliquement coupée dans les étoiles d’Hollywood.

On aura compris que "Johnny 316" d’Erick Ifergan a la parabole divine chevillée au corps. On appréciera que face à Vincent Gallo, prodigieusement habité quand il décortique un artichaut ou s’enferme littéralement dans sa bulle, il y ait Nina Brosch jouant les paumées avec une grâce infinie, qui rappelle celle d’Ana Thomson dans les films new-yorkais d’Amos Kollek.

Tout le charme du film est dans sa capacité à hypnotiser l’entendement sans jamais avouer si tout cela est très sérieux ou pas du tout. On est saisi par ce conte incertain bercé par les musiques de J.S. Bach et celles de Tom Waits .

On enrage d’autant plus qu’Erick Ifergan n’ait pas pu s’exprimer davantage, en découvrant en bonus dans ce DVD, son court-métrage, "Divine Présence", datant de 2008, où l’on retrouve l’ambiance et les thèmes de "Johnny 316".

Un DVD forcément indispensable…