Farce de Dario Fo, mise en scène de Marc Prin, avec Gérakd Cesbron, Céline Dupuis, Anne Dupuis, Milena Esturgie et Gilles Ostrowsky.
Contrairement à "Mort accidentelle d’un anarchiste", qui révélait tout dans son titre, "Klaxon, Trompettes… et Pétarades" n’annonce rien des intentions de Dario Fo.
Connaissant le truculent trublion transalpin, on peut se douter qu’il va y avoir du boucan, que la farce sera bruyante et qu’elle couinera aux oreilles des puissants.
Écrite au moment où l’Italie vivait le paroxysme de ses "Années de plomb" avec l’enlèvement d’Aldo Moro abandonné à son triste sort par Giulio Andreotti, la pièce de Dario Fo se veut la caisse de résonance de tous les maux qui parcourt alors la société italienne.
Dans "Klaxon, Trompettes… et Pétarades", un pas de plus est franchi dans le terrorisme spectacle : c’est Agnelli, le plus grand capitaine d’industrie italien, l’homme de la FIAT et de la Juventus de Turin, qui est enlevé. Que va-t-il alors se passer ? Connaîtra-t-il le même sort que Moro ou bien lui en réservera-t-on un autre, preuve que l’oligarchie capitaliste est bien autre chose que la nomenclature politique ?
Dario Fo parle de tout ça, mais évidemment pas du tout comme ça. Est-on vraiment face à une histoire de terrorisme ? Les choses sont-elles aussi binaires qu’on le prétend ? Quand un prolétaire et un capitaliste finissent par avoir la même tête, n’est-ce pas un casse-tête ? Surtout si l’on ajoute que le prolétaire est communiste ?
Pour parler du Grand Capital, on passera par le Grand-Guignol et par un séjour prolongé dans un hôpital où le docteur Jekyll aurait pu entamer une collaboration fructueuse avec son homologue Frankenstein.
On verra ensuite comment la ménagère ordinaire italienne peut se venger de son mari infidèle en moulinant une saucisse de Morteau dans son cou à l’aide d’une machine ubuesque, et comment par la même occasion, la "démocratie" peut se donner le bon droit de torturer.
Pièce datée sur le papier, loin des années Berlusconi et d’une ère où les industriels ont été remplacés par les traders et les spéculateurs, "Klaxon, Trompettes… et Pétarades" n’a pourtant rien perdu de sa force corrosive.
Dans sa mise en scène, Marc Prin a compris parfaitement que c’était sa dynamique qui était sa dynamite. Pas un instant à perdre pour que le rire fuse, même s’il faut étirer les grimaces et utiliser les armes du vaudeville comme le quiproquo et le sosie.
Pas un moment de répit dans la machine infernale à broyer la bêtise des puissants et la passivité des autres. Dario Fo doit se jouer vite, avec des acteurs qui mouillent leur maillot de la Juventus comme le fait l’excellent Gilles Ostrowsky. Marc Prin, Maître Jacques, de la mise en scène, du décor et des costumes, a déployé des trésors d’ingénuité pour que jamais le rythme ne retombe.
"Klaxon, Trompettes… et Pétarades" est une comédie qui fait beaucoup et bien rire. Elle prouve, s’il fallait encore le prouver, que ce farceur de Dario Fo méritait amplement d’être sur les tablettes du Nobel aux côtés de Pinter et de Beckett. |