Comédie de Frédéric Pommier, mise en scène de Jorge Lavelli, avec Catherine Hiegel, Francine Bergé, Raoul Fernandez, Francis Leplay, Sophie Neveu et Liliane Rovère.
Dans "Le prix des boîtes", il y a la Grande et puis la Petite, deux sœurs, deux vieilles filles, sans mari, sans enfants, mais pas sans tendresse, ni chamailleries, ni une certaine férocité, au milieu de leurs bibelots et de leurs chats et qui ont juste le droit d'attendre que ça leur arrive.
Quoi, ça ? Et bien ça, quoi enfin! La boîte, la grande boîte finale.
Autours d'elles, gravite une foule de personnages, le bon ami, l'auxiliaire de vie, le médecin, la tutrice, autant de béquilles sur lesquelles s'appuyer mais qui deviennent bientôt des murs auxquels on file se cogner. La danse des charognards commence sans avoir l'air d'y toucher, sans penser à mal, jamais.
La grande perd la boule, à moins que ce ne soit la Petite qui nous fasse un cancer. Encore ? Oh, elle a toujours quelque chose celle là. Alors on nourrit les chats, et au prix où sont les boîtes...
De vies tristes à mourir, Frédéric Pommier écrit une fable douce amère teintée d'onirisme sur des morts tristes à pleurer, mais pas sans en rire, beaucoup, parce que sinon cela n'en vaut plus la peine, et on ne rit jamais si bien que quand on rit du pire, et on ne raconte jamais si bien le pire que quand on cherche à en rire.
Journaliste et chroniqueur pour la radio, Frédéric Pommier met au service de ce premier texte écrit pour le théâtre son sens de l'observation et son humour grinçant pour saisir avec une justesse déroutante et une précision chirurgicale tous les petits travers desquels on s'accommode et qu'on enrobe de banalité pour oublier la cruauté et la férocité de la vie et des gens, mais aussi l'absurdité générale de toutes ces gesticulations.
Dialoguiste hors pair, il offre à ses personnages de véritables joutes verbales qui dévoilent autant d'humour que de répartie mais également une grande lucidité générale.
La mise en scène de Jorge Lavelli s'emploie à traduire l'urgence: l'urgence de vivre, mais également la spirale de la déchéance, la folie dont s'empare le monde alors que le malade lui-même perd soit-disant la tête. Sur une scène vide, comme une grande boite, capitonnée de beige, imaginée par le scénographe Rodolfo Natale, des portes s'ouvrent, se ferment, se claquent de part et d'autre, des chaises se jettent sur scène, quand ce ne sont des gens.
Catherine Hiegel et Francine Bergé, dans le délicat rôle de la Petite et de la Grande, sont tout simplement bouleversantes, tour à tour drôles, généreuses, mesquines, tendres, furieuses, fragiles.
Liliane Rovère, l'auxiliaire de vie, n'est pas en reste, tout comme, Sophie Neveu, la tutrice, et Francis Leplay, le docteur qui nous interprètent à la perfection la ménagerie des charognards.
On rit beaucoup tout au long de ce spectacle qui se détache très vite de la réalité pour mieux la dénoncer. Reste alors les sentiments, toujours vrais, et les êtres humains, derrière leurs masques, avec cette interrogation lancinante de Frédéric Pommier: "Elles valent combien, nos vies ?". |