Réalisé par David Whendt. Allemagne. Drame. 1h40. (Sortie 27 mars 2013). Avec Alina Levshin, Jella Haase et Gerdy Zint.
C’est peu dire que l’Allemagne réunifiée a du mal avec un passé qui ne passe pas.
En s’intéressant aux néo-nazis du land de Brandebourg, au Nord de l’Allemagne et dans l’ex-RDA, David Wnendt ouvre un champ qui n’a guère été exploré outre-Rhin.
Film forcément démonstratif, "Guerrière" a choisi un angle d’attaque original en suivant deux jeunes filles immergées dans un groupuscule nostalgique du Troisième Reich.
Marisa, déjà intégrée dans la mouvance néo-nazie, affiche sur sa peau la croix gammée et les symboles de "la suprématie de la race blanche". Caissière d’une supérette, elle refuse de servir les immigrés, comme le jeune Afghan qui va lui faire prendre conscience de la vacuité de son "engagement".
Svenja, plus jeune, est fascinée par la propagande brune. On la découvre dans "Guerrière" au moment où, bière aux lèvres, elle subit ses premiers rites d’initiation et se fait tatouer le fameux "88", "HH" en numérologie d’extrême droite, "HH "comme le "Heil Hitler" leitmotiv des crânes rasés qu’elle commence à fréquenter.
David Wnendt décrit l’environnement déprimant des deux jeunes filles, explique ainsi socialement et psychologiquement leur besoin d’une famille de substitution et dans le même temps leur soif d’émotion forte. Évidemment, l’éveil de la libido n’est pas non plus absent dans leur déviance politique.
"Guerrière" de David Wnendt pourrait n’être qu’une succession de clichés sur le désarroi d’une Allemagne pauvre abandonnée à elle-même et à ses vieux démons. Le réalisateur parvient à les dépasser, à les rendre opérationnels pour faire bien fonctionner sa fiction.
Il réussit particulièrement les scènes où les crânes rasés, désoeuvrés et fortement alcoolisés, chantent de vieilles antiennes Waffen-SS ou regardent l’œil mouillé des images d’archives de grandes messes hitlériennes.
Dans l’appartement qui leur sert d’antre, la meute est finement décrite dans sa bêtise primale. On y croit. On craint donc le pire pour ses deux "petits chaperons rouges" égarés au milieu de ses loups sentant le schnaps.
David Wnendt sait à la fois filmer le primaire brut et brutal et rendre humaines, plus qu’humaines, ses jeunes filles en quête d’un ailleurs idéal. Il est aidé par deux comédiennes formidables dont Alina Levshin, véritable surdouée du cinéma germanique.
Avec Jella Haase, elle se livre à fond dans ce film sombre. On aimerait qu’elle puisse transmettre son énergie farouche aux jeunes actrices françaises afin qu’elles deviennent elles aussi des guerrières… |