Je l’ai reconnu tout de suite… Un compatriote à la précision phonologique aléatoire concernant le "an" et le "on". Je me suis dis : celui-là doit être auvergnat, "que vont ponser mes paronts, je suis limité à cinquonte". Bien sûr que j’exagère, mais ce n’est pas pire que ajouter "eingue" à toutes les fins de phrase.
Sly de Bruix est donc un groupe auvergnat, fort de 20 concerts en trois mois et demi (Johnny met un an pour arriver à 20, son gabarit de salle n’est peut-être pas le même, mais quand même !). Le fondateur du groupe Sly, "un grand type hirsute aux chaussures tachées de crottin", est l’ancien chanteur du groupe Brank Shme Bleu (que je ne sais pas ce que ça veut dire mais que rigolo est-ce !) qui, un jour, a fait une tournée à pied "guitare sur le dos, le reste sur une ânesse".
D’où la limitation à 50, Au-delà des pistes. Il faut en avoir quand même pour faire son auto promotion avec un âne pour seul compagnon. Surtout quand tu sais que le mail que tu envoies arrive dans la seconde qui suit. 1200 bornes à pattes avec un âne ! Rien que pour ça, chapeau Don Quichotte !
Puis il en a eu un peu marre de la solitude (surtout sans feu Lilith l’ânesse), et s’est entouré de Fred Girard le guitariste, Damien Chauvet le batteur et François Saillard le bassiste.
L’album Au-delà des pistes pourrait être au rayon de la chanson runk, s’il existe. Sous-rayon presque punk mais bien tourné rock qui gratte, sous-rayon touchant. Parce que la langue française, à l’oreille si peu esthétique, si difficile à tourner pour être musicale, Sly l’ancien-troubadour-avec-sa-guitare l’adore. Il aime ses difficultés, les complexes relations entre chaque pour les lier et les poétiser, "pour exprimer des émotions, pour caresser, pour agresser, pour décrire, pour dépeindre, pour charmer, pour gueuler, pour se confier, pour évoquer…".
Il s’auto définit comme un "poète de Neandertal" parce que la musique lui donne envie de taper du pied énergiquement. Je ne crois pas, je crois qu’au contraire c’est lui qui a raison, après tout, les émotions doivent-elles être forcément susurrées au creux d’un piano ? Pourquoi ne les arrangerions-nous pas d’une belle grosse guitare machin qui ferait autant de bruit dehors que l’émotion en fait dedans ? Parce que la joie ou la tristesse sont aussi des cris intérieurs qui méritent l’expression.
"La fin des ecchymoses" en est l’exemple type. Jolie déclaration avant de passer par la caisse en sapin. Sly de Bruix a également l’humour indispensable, beaucoup d’autodérision et un grand sérieux. Un bohème comme on en trouve peu : culturé, musicien, hirsute et drôle.
"Je ne suis qu’un cro-magnon chronique mais qui nique sa vie publique par trop d’introspection" dit-il. |