10 h 30, dans un petit
troquet de la rue du faubourg Montmartre, près du Théâtre
du Nord-Ouest où une représentation de "La
main passe 2004" doit se dérouler à 12
h, nous retrouvons avec plaisir Mitch Hooper,
adaptateur et metteur en scène, avant une répétition
à l'italienne.
Horaire un peu rude pour qui n'est pas du matin et un café
s'impose. Et puis, les comédiens arrivent et il faut songer
à optimiser ce court moment.
Quand nous avions rencontrés en mars 2004, vous nous aviez
dit être tenté par monter un Feydeau dans le cadre
de la saison Feydeau programmée au Théâtre du
Nord-Ouest. Comment s'est concrétisé cette tentation
et pourquoi votre choix de La main passe ?
Mitch Hooper : J'étais tenté par
les petites pièces de Feydeau écrites à la
fin de sa carrière qui sont plus simples à monter.
Ce sont des pièces en un acte avec moins de comédiens.
Mais Jean Luc Jeener m'a incité à monter une grande
pièce de Feydeau il avait reçu beaucoup de propositions
de personnes intéressées par les pièces courtes.
J'ai donc lu la plupart des grandes pièces de Feydeau et
La main passe m'a plu par sa modernité J'étais juste
un peu gêné par la longueur et l'énormité
du travail. Et en fait, c'est en décidant de couper toutes
les scènes avec domestiques, qui n'apportaient rien à
l'intrigue et ce n'est pas toujours le cas dans le théâtre
de Feydeau, que j'ai vu comment je pourrais maîtriser le sujet
et faire une adaptation qui fonctionnerait.
Avec la modernisation de quelques éléments
trop datés, comme l'appareil enregistreur par exemple, le
phonographe étant remplacé par une caméra vidéo,
ça devenait une pièce traitant un sujet contemporain,
qui peut se passer aujourd'hui, ce qui n'est pas le cas de toutes
les pièces de Feydeau dont certaines sont très ancrées
dans la Belle Epoque. Ça m'intéressait de faire abstraction
des distractions telles les costumes, je ne pouvais d'ailleurs pas
financer tous les costumes, et qui ne m'intéressent pas dans
le travail. J'ai donc décidé de faire un Feydeau moderne
et j'ai rassemblé les acteurs. Ensuite tout a été
relativement facilement.
Votre travail d'adaptation a eu lieu en amont
de la recherche des comédiens qui composeraient la distribution?
Mitch Hooper : Oui.
Comment avez-vous choisi les comédiens?
Mitch Hooper : Il y a des comédiens que
je connaissais bien pour avoir déjà travaillé
avec eux. Ainsi le choix de François Raison, qui joue Chanal
le mari et Anatole de Bodinat, l'amant, s'imposait à moi.
J'ai travaillé avec eux dans "Le long voyage vers la
nuit". A la lecture de la pièce, il était évident
que Feydeau avait écrit pour eux ! Pour les autres, j'ai
cherché un peu plus loin mais le choix s'avère bon.
Et pour Anthéa Sogno qui interprète
Francine, celle par qui tout arrive?
Mitch Hooper : Anthéa Sognon m'a contacté
quand elle a su que je montais la pièce. Elle avait mis en
scène et joué "Ciel mon Feydeau" qui a fait
plus de 400 représentations la saison dernière ! Et
apparemment, elle en redemandait. Cela l'intéressait de travailler
avec moi en tant que comédienne uniquement. Et il est évident
qu'il s'agit d'un rôle pour elle !
Pour quelles raisons avez-vous inclus des intermèdes
?
Mitch Hooper : Les intermèdes s'avéraient
nécessaires pour assurer le changement de décor et
constituaient aussi l'occasion d'approfondir un peu l'émotion
et d'imposer une image forte avant chaque acte, de renforcer l'intrigue
autour d'un personnage qui était un peu perdu de vue dans
les scènes qui suivraient; Je voulais imposer une image de
souffrance pour ne pas oublier l'émotion sous-jacente au
texte.
Vous parlez d'émotion. Or ces intermèdes
déclenchent le rire ce qui paraît curieux.
Mitch Hooper : Non, car l'émotion est à
la fois sincère et drôle. L'émotion des autres,
vue de l'extérieur, est souvent matière à rire.
Les pièces de Feydeau sont souvent montées
en privilégiant l'aspect rire et rire français. Or,
La main passe 2004 se positionne davantage dans un registre humour
anglais. Bien sûr, cela paraît facile de dire cela quand
on connaît vos origines mais en êtes-vous conscient?
Mitch Hooper : On me le dit beaucoup mais je ne
réfléchis pas à mon humour. Peu importe d'ailleurs.
La plupart des Feydeau que je vois actuellement ne me satisfont
pas car ils ne prennent pas le propos avec suffisamment de sérieux.
Quelques grimaces ou tomber par terre ne suffisent pas pour faire
rie. S'il n'y a pas un fond de sérieux, le comique m'intéresse
moins. Ce qui m'intéressait est d'aller au fond de l'émotion
et de la sincérité des personnages pour voir si cela
fonctionnait toujours et si cela faisait rire.
Quel est votre intérêt majeur pour
cette pièce?
Mitch Hooper : C e qui m'a interpellé est
le regard porté sur le couple qui est particulièrement
juste. C'est cruel mais très bien vu. Cette pièce
ne 4 actes m'a fait pensé à Tchékov par seulement
par le format mais parce que Feydeau saisit parfaitement un point
commun universel qui est de voir midi à sa porte et de ne
pas comprendre les autres, de ne pas les écouter même.
Ce qui est très juste. Une scène, celle où
les 2 ex-époux se retrouvent et ignorent totalement, de manière
monstrueuse, l'amant, m'a vraiment donné envie de monter
la pièce. En 2 minutes, il y a un renversement de situation
atroce…mais très drôle.
Question incontournable : votre actualité
immédiate est ce Feydeau, quels sont vos projets à
court et moyen terme?
Mitch Hooper : A court terme, mon projet est toujours
Feydeau car le but est de trouver une salle dans laquelle "La
main passe 2004" pourrait avoir une programmation en continu
après le mois de décembre durant lequel elle est programmée
en alternance au Théâtre du Nord-Ouest. Ce n'est pas
toujours simple mais c'est mon but.
Y a-t-il d'autres projets ?
Mitch Hooper : Non, pas dans l'immédiat
pour ce qui me concerne. En revanche, pour la Compagnie du Théâtre
Vivant, en 2005, "L'envol" la pièce écrite
et mise en scène par Carlotta Clerici, avec notamment Anne
Coutureau et Yvan Garouel, sera représentée au Vingtième
Théâtre du 17 mars au 8 mai 2005.
Dans l'actualité théâtrale,
y a-t-il un spectacle qui a particulièrement retenu votre
attention ?
Mitch Hooper : Oui. J'ai vu "Dis à
ma fille que je pars en voyage" de Denise Chalem au Théâtre
du Rond Point qui mérite vraiment le détour. La pièce
est excellente et très bien jouée.
Souhaitez-vous ajouter quelque chose à
propos de sLa main passe 2004s ?
Mitch Hooper : Non. Le travail doit parler pour
lui-même. En principe.
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