Comédie dramatique de Tankred Dorst, mise en scène de Grégoire Leprince-Ringuet, avec Christian Geffroy, Pauline Caupenne, Etienne Launay et Baptiste Chabauty.

Considéré comme un des grands dramaturges allemands du 20ème siècle, Tankred Dorst est assez mal connu en France, même si, il y a déjà une vingtaine d’années, Robert Hirsch avait magistralement interprété le rôle-titre dans "Moi, Feuerbach".

Grégoire Leprince-Ringuet, pour ses débuts dans la mise en scène, a choisi un texte qui, lui aussi, parle de folie, de vérité et de mensonge.

Fernando Krapp, l’homme le plus riche du pays, "achète" Julia, la plus belle fille de la ville dont le père connaît des difficultés financières. Outrée par ce marché qu’elle accepte par obligation filiale, Julia en respecte les termes jusqu’à l’arrivée dans sa vie du comte Bordavela, qui devient son amant.

Quand elle avoue sa liaison à son mari, celui-ci ne la blâme pas, mais cherche à la convaincre qu’elle ne l’a jamais trompé. Homme doté d’une volonté farouche, et d’une puissance de persuasion hors du commun, Krapp fait vaciller la raison de son épouse et, par ricochet, celle de son amant…

Jeu cruel où la folie provoquée des uns révèle peut-être la folie réelle des autres, "Fernando Krapp m’a écrit cette lettre" est une pièce étrange où les choses sont plus évoquées que révélées. Ici la "vérité vraie" est volatile, fugace, contenue peut-être dans les "instantanés" photographiques pris par Fernando Krapp et qui apparaissent sur scène dans un cadre au-dessus des chaises qui constituent les seuls éléments du décor.

On soulignera la conviction des jeunes acteurs qui constituent le trio mari-femme-amant. Baptiste Chabauty est un Fernando Krapp élégant, sûr de son bon droit, mais un brin tourmenté, lui aussi quelque part aux portes de la monomanie.

Certes, la pièce de Tankred Dorst laisse un peu sur sa faim et sa problématique semble datée, mais on saluera les premiers pas réussis de Grégoire Leprince-Ringuet dans la mise en scène et on appréciera la grande qualité d’une distribution dont la jeunesse s’allie bien avec les élans romantiques du texte.