Réalisé par Sion Sono. Grande bretagne/Japon/Taiwan. Drame. 2h13. (Sortie 24 avril 2013). Avec Isao Natsuyagi, Naoko Ohtani et Jun Murukami.
L’année dernière, dans Froggy's Delight, on avait vanté "Guilty of Romance", le précédent film de Sono Sion.
Cette descente dans l’enfer du sexe sordide d’une femme lettrée avait confirmé la force du cinéma de l’auteur de "Suicide Club". Formaliste extrême, adepte d’un cinéma hyper maniéré, Sono Sion ne laisse jamais indifférent.
Quand on a appris qu’il s’emparait "à chaud" de la catastrophe nucléaire de Fukushima, on s’est forcément douté qu’il allait chercher à s’enfoncer là où ça fait mal.
La première surprise de "The land of hope" est qu’il prend la forme d’un film presque sage. On a même, pendant très longtemps, l’impression d’être dans un téléfilm catastrophe comme on en a vu bien d’autres.
Prenant comme héros principal un couple de vieux Japonais qui ne souhaitent pas partir de leur zone contaminée, le film semble prendre Fukushima par le petit bout de la lorgnette. On est parfois un peu gêné par l’idée, à la limite de l’absurde, de suivre la vie et la survie de personnages qui sont juste de l’autre côté de la zone dite contaminée, une zone dont ils ne sont séparés que par une "zone de démarcation" délimitée par un cordon jaune.
Sono Sion se moque des autorités nipponnes qui, comme naguère d’autres autorités, pensent que le nuage radioactif s’est arrêté net et n’a pas contaminé le potager de la famille Ono. Mais, peu à peu, le ton Sono Sion reprend ses droits et l’on suit tous les parcours contradictoires des Japonais pris dans le maelström du malheur.
Il y a ceux qui fuient éperdument et qui interrogent un compte Geiger intraitable, leur prouvant que cette fuite est inutile. Il y a ceux, comme ce couple de jeunes gens branchés, qui reviennent se jeter avec appétit dans la gueule du loup, retrouvant de la vie et l’espoir d’un autre vie dans ce no man’s land désormais sans vie. Il y a ceux qui restent, à l’instar du vieux couple dont la femme est atteinte d’un Alzheimer qui semble avoir pris un nouveau tour avec la contamination nucléaire…
Sono Sion a bâti une œuvre forte, angoissante, glaçante, à l’aune d’un désastre dont les humains, dans leur grande majorité, n’ont pas encore pris la mesure. L’apocalypse qu’il pressent ne prend pas une forme millénariste. On n’aura pas le droit à un grand soir de la peur et de la mort, mais à de petits faits, de petits moments prouvant que tout vient de changer.
Ce qui se dessine est sans doute horrible, mais ce qui l’est davantage c’est que presque personne ne croit vivre le temps d’après la catastrophe. Ce déni quasi-général est d’une violence inouïe.
Sono Sion ne crie pas. C’est paisiblement qu’il montre comment, en s’appuyant sur des mensonges d’État que les habitants acceptent ou feignent d’accepter, le Japon post-Fukushima est en train d’émerger, un Japon où la peste nucléaire peut se répandre tranquillement.
"The land of hope" de Sono Sion est un grand témoignage, qu’on aimerait prendre comme une pure fiction et pas comme l’annonce de ce qui va advenir ici et ailleurs… |