Comédie dramatique de Sue Glover, mise en scène de Céline Bédéneau, avec Aurélia Béraldo, Chloé Dunn, Béatrice Mandelbrot et Richard Jones-Davies.

"La chaise de paille" de la dramaturge anglaise Sue Glover s'inspire d'une histoire vraie qui s'est déroulée au 18ème siècle, celle de La Dame de St Kilda.

Cette dame était Lady Rachel de Grange, épouse du Lord d'Edimbourg, qui, suite à un tumultueux divorce et considérée comme folle et dangereuse par ce dernier sur lequel elle faisait peser des soupçons de sympathie avec les Jacobites qui militaient pour le rétablissement de Jacques II d'Ecosse sur le trône d'Angleterre, a été déclarée morte alors qu'enlevée par son ex-mari, elle fut déportée sur une île de l'archipel des Hébrides.

Jusqu'à sa mort, elle y a été maintenue dans des conditions misérables, indignes de son rang, mais qui étaient celles des insulaires, des gens pauvres et frustres vivant comme au Moyen-Age sur une terre sauvage et inhospitalière.

Dans la partition dramatique en partie fictionnelle, l'intrigue se situe au moment où Lady Rachel, déjouant la surveillance constante d'une servante indigène, tente de faire parvenir des lettres à ses amis pour organiser son sauvetage et que l'occasion lui est donnée avec l'arrivée d'un pasteur dont la jeune épouse prise de compassion accepte d'être l'intermédiaire.

A travers le destin et la parole de trois femmes, et au delà de l'épisode historique et des considérations ethnographiques sur une communauté celte archaïque vivant sur une terre désolée, Sue Glover évoque la condition de la femme au 18ème siècle totalement inféodée à la gent masculine du mariage imposé à la répudiation.

Avec une distribution judicieuse et talentueuse, Céline Bédeneau réussit une excellente proposition théâtrale dans le registre particulièrement ardu du drame naturaliste en réussissant de surcroît à l'inscrire dans l'univers du romantisme noir, et plus particulièrement du roman gothique anglais, qui s'installe, sans effets scéniques, dès les premières répliques par le jeu des comédiens.

Ni dans le surjeu ni dans la démonstration illustrative, ils officient de manière aussi rigoureuse qu'homogène dans l'incarnation des personnages.

Richard Jones-Davies campe de manière parfaite le pasteur médiocre et sans charisme, pasteur sans paroisse réduit à participer à une mission d'évangélisation, et homme balourd, timoré et puritain qui a épousé une jeunesse tout comme Béatrice Mandelbrot dans le rôle de la servante, archétype de la population locale mangeuse d'oiseaux de mer et nourrie de croyances et de coutumes obscures, maîtrise sa partition épique.

Chloé Dunn, fragile jeune femme aux yeux bleux et au teint de porcelaine, incarne idéalement la jeune fille fraîche et innocente, à peine sortie de l'enfance, qui ne connaît rien de la vie et de l'amour et qui va s'exalter à la rencontre de la femme "satanique" de l'île qui a sombré dans la folie paranoiaque et l'alcool, superbement interprétée par Aurélia Béraldo, à la fois volcanique et déliquescente, incandescente et ténébreuse, qui va l'instruire de la réalité des choses de l'amour par le récit de la passion violente qu'elle a éprouvé pour son mari.

Une belle proposition donc qui séduira tous les amateurs du genre.