Propos dansé par Jacques Bonnaffé et Jonas Chéreau sur des textes de Jean-Christophe Bailly, Norge, Alain Proschiantz et Jean-Jacques Rousseau.
Une torche électrique à la main, Jonas Chéreau, le partenaire dansant de Jacques Bonnaffé, déambule dans la pénombre d'une forêt matérialisée par des lattes en plastique suspendues au fond du plateau.
Cette scène résume très bien "Chassez le naturel !", spectacle où l'on recherche, parmi les ululements et les cris de bêtes, une vérité qui passerait par le moment théâtre.
Ici, la vérité est la découverte de la vraie nature de l'homme, de ce qu'il a, sous les apparences, en commun avec la condition animale et en priorité avec les bêtes les plus proches du bipède humain : les singes, bien entendu.
Chercher, c'est ne pas forcément trouver tout de suite, c'est tâtonner, suivre des fausses pistes, aller de l'avant pour aller de l'arrière, et réciproquement. C'est plonger dans la fosse ou danser en bondissant comme les singes.
Partant d'un Rousseau quelque peu malmené, Bonnaffé suit la route ouverte par Jean-Christophe Bailly dans ses livres les plus forts, les plus authentiques, comme "Le Parti-pris des animaux", un texte fort, précis et poétique à la fois où l'auteur cherche à faire la part des des choses entre l'homme et l'animal.
Sur la scène, terrain d'expériences et réceptacles de pensées, Jacques Bonnaffé imite ou relaie les bonds et les mouvements de Jonas Chéreau. Il s'amuse, s'époumone, tente le tout pour le tout. En jupe de derviche tourneur ou sous des strates de hardes de SDF, il domine son sujet au risque de paraître cabotiner.
Vaine tentative de parodie simiesque ou réussite mimétique, chacun jugera. "Chassez le naturel !" est une proposition plus qu'une résolution. On prendra plaisir à retrouver Jacques Bonnaffé en grande forme, bien servi par les sensuelles trouvailles visuelles d'Éric de Graça Neves, totalement acquis aux astuces scénographiques de Michel Vandestien.
Un spectacle bouillonnant, s'interrogeant sur les mystères de l'humaine nature où le théâtre est comme le chaînon manquant entre les mots et les choses, les singes et les hommes, le banal et l'extraordinaire.
"Chassez le naturel !" irritera ou charmera, mais ne laissera personne indifférent |