Jean-François Piège, chef doublement étoilé largement médiatisé notamment par sa participation au jury de l'émission télévisée "Top Chef" et élu Chef de l’année 2011 par les représentants de sa profession, a accepté la proposition des Editions Autrement de se confronter à l'exercice imposé de la Collection Manifeste.

Celle-ci demande à une personnalité de défendre son engagement à travers un texte court et les contributions de circonstance de personnes librement choisies.

Il signe donc naturellement son manifeste "L'art de manger" dans lequel il trace sa biographie qui, de son entrée dans une école hôtelière à l'âge de 14 ans à l'ouverture de son premier restaurant siglé pour son quarantième anniversaire, se présente comme un parcours sans faute au sein d'établissements prestigieux.

Ainsi a-t-il forgé sa technique : l'importance du choix des ingrédients et la maîtrise du feu au Château Eza, le savoir-faire et l'organisation de la cuisine de palace au Crillon, les bases de la cuisine de tradition française à l'Elysée pendant son service militaire, le goût des belles choses et l'importance de la mise en scène du repas auprès de Alain Ducasse.

Pour distiller le discours relatif à son art de manger, un art qu'il n'hésite pas à comparer aux arts majeurs que sont la peinture et la littérature, Jean-François Piège, qui se définit comme un hédoniste averti et un artisan du goût, use d'une terminologie qui ne manquera pas d'étonner le néophyte mais qui est largement usitée à une époque marquée par l'engouement pour la vulgarisation gastronomique et pour le fooding.

Ainsi il est question de philosophie et d'identité culinaire, de la symbolique du repas, de plats-signature, de cuisine qui raconte une histoire, de cuisinier qui offre une représentation de sa vision du monde, de restaurant-cénacle caractérisé par son ADN et de nourrir le plaisir de la mémoire.

Une phrase définit sa conception plutôt séduisantre fondée sur la "tradition permissive" - "L'art de manger repose sur ce fragile équilibre entre renouveau et créativité, sans jamais tomber dans le piège de la démonstration de force" - qu'il conjugue avec un art de recevoir qui prend en compte les préceptes de l'hospitalité.

Les contributions sont, dans l'ensemble, assez décevantes : si l'architecte et designer India Mahdavi, qui compare Jean-François Piège à Miles Davis (sic) évoque son credo créatif (l'unicité de l'expression pour créer autour d'une philosophie), Michel Bernardaud, créateur d’arts de la table, et Richard Geoffroy, chef de cave de Dom Pérignon, abordent l'exigence de leur profession, le chanteur Bénabar se contente de laisser reproduire le texte de deux de ses chansons et des photos de légumes illustrent le travail du maraîcher Joël Thiébault.

La journaliste Valérie Expert retrouve des réflexes de jeunesse de sa période chroniqueuse "Frou Frou" pour une longue liste de "J'aime pas" et Xavier Darcos laisse l'agrégé de lettres classiques s'épancher avec lyrisme.

Ah oui, il y a également quelques recettes dont une de ses créations-phare : le mythique sandwich jambon-beurre revisité en cubes-grignotages qui figurent au menu de son restaurant gastronomique de l’hôtel Thoumieux. De quoi épater vos amis à moindre frais.