Réalisé par Liliane de Kermadec. France. Documentaire/Fiction. 1h33. (Sortie 26 juin 2013). Avec Ruben Verdyan et Sarassar Sarayan.
C’est sans doute la première fois qu’une cinéaste, française de surcroît, emmène des spectateurs au Haut-Karabagh, petit pays du Caucase grand comme un département français.
Ils y découvriront une population de joviaux méridionaux, en l’occurrence tous d’origine arménienne, qui vivent dans l’ancienne capitale, Chouchi.
On y chante, on y soulève des haltères, on y fait de la musique, on y fait la cuisine… et on y panse les plaies d’une guerre entre azéris et arméniens qui a coûté, au temps où l’Union Soviétique se décomposait, la vie à bien des citoyens et laissé beaucoup de ruines.
Tout ici semble déglingué, en friche. On y croise des orphelins, on y découvre des veuves déplacées. On y sent l’envie d’une nouvelle vie, d’une vie vivace qui fait fi des drames passés. Les gens veulent que leur vie repousse à l’instar de ces herbes qui gagnent sur les monuments en ruine.
Dans "Le murmure des ruines", Liliane de Kermadec a inventé une fiction joyeusement minimale dont les habitants de Chouchi se sont emparés presque avec délectation.
Un camion devant livrer une tonne de farine pour une autre région du Caucase s’est perdu opportunément à Chouchi. Soghomon, réfugié de Bakou, et Sevag, le chauffeur de taxi, décident de s’en saisir… et de créer la première boulangerie d’après-guerre dans la ville.
Ce sera l’occasion de se balader dans cette ville martyre où tout paraît de guingois, mais où les gens sont tous partants pour participer à cet événement qui marque peut-être la fin de l’ère des malheurs et se lit comme le premier vrai signe d’espoir et de renouveau.
Liliane de Kermadec, dont on n’a pas oublié "Aloïse", magnifique portrait de cette féministe enfermée toute sa vie pour avoir dit non à la guerre de 1914 qui devint une grande figure de "l’art brut", filme avec beaucoup d’empathie toute cette petite communauté. Sa caméra, précise et faussement nonchalante, transforme en grand moment de cinéma le concours du meilleur pain.
Dans ce petit monde qui a un côté "Marcel Pagnol", on sent, derrière les sourires qui renaissent, de la gentillesse, de la connivence, de la bonté. On passe un très bon moment avec les habitants de Chouchi qui se sont prêtés, avec un étonnant naturel, au jeu de la fiction qui joue au document.
"Les Murmures des Ruines" de Liliane de Kermadec est un film qui fait du bien. Sa musique réchauffera les cœurs de ceux qui auront la curiosité de visiter pendant 90 minutes un pays dont on n’oubliera pas la vaillance. Et, même si la communauté internationale n’y prête pas assez attention, crions :
Longue vie au Haut-Karabagh ! |