Bob Van Laerhoven, prolixe écrivain flamand, livre avec "La vengeance de Baudelaire" un opus étonnant et atypique qui ne manquera pas d'interpeller le lecteur friand de curiosiotés.
En effet, il renoue avec un genre littéraire qui a connu son heure de gloire au 19ème, celui du roman populaire qui se déclinera, ensuite en roman-feuilleton, et qui pratique le mélange des registres, du naturalisme social au fantastique en passant par l'historique sans réel souci de cohérence, de logique, voire même d'exactitude.
C'est d'ailleurs dans la France du Second Empire, en 1870, que se déroule ce roman policier échevelé mené par deux policiers, personnages cabossés par la vie anti-héros par excellence, qui pistent, à mains nues sans le secours des experts CSI, un assassin en série parti en croisade pour éliminer tous les détracteurs du poète Charles Baudelaire.
La toile de fond, une France sous la menace des Prussiens qui campent à ses frontières,
dirigée par l'empereur Napoléon III, "une andouille à l'égo démesuré", un empereur fantoche qui accumulaient les bourdes" et dont le pays "tirait vanité des cabrioles et des coucheries infantiles", et plus, Paris.
Une capitale en chantier sous l'égide du baron Haussmann, au bord de l'insurrection en raison de la disette et du climat social délétère qui annonce la Commune, mais aussi le Paris et des maisons closes qui connaissent leur âge d'or, en une période qui connaît une révolution des arts et des techniques et un engouement généralisé pour les sciences occultes.
L'enquête est diligentée par le commissaire Lefèvre, personnage solitaire et énigmatique, pratiquant de l'amour exclusivement tarifé et amateur éclairé de poésie, avec la collaboration de l'inspecteur Bouveroux, historien avorté, alcoolique et veuf inconsolable qui, avant d'être son adjoint a combattu à ses côtés pendant la guerre de conquête de l'Algérie au cours de laquelle ils ont partagé des moments traumatisants qui, trente ans après, assaillent encore leur mémoire et leur conscience.
Tous deux complémentaires, le premier éternel chasseur, le second rat de bibliothèque, vont se colleter, outre au meurtrier polymorphe, à des individus singuliers, tel par exemple le double physique et la version démoniaque du célèbre Hercule Poirot, et à leur propre descente aux enfers et c'est bien évidemment dans le passé et le secret des familles que réside la clé de l'énigme.
Placé sous le double signe du poète maudit et des filles perdues et d'une époque peut-être pas si révolue qu'il y parait, les références et résonances n'échapperont pas au lecteur attentif, ce foisonnement "exotique" venu du plat pays flirtant avec le tragique sort assurément des sentiers battus du roman policier contemporain.
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