Aujourd'hui, c'est champagne et petits fours à l'espace VIP, et ce pour une occasion dont on ignorera toujours la cause. Peu importe, car le son prévaut sur la farniente, et l'on s'impatiente : aujourd'hui, le mythe côtoie l'inconnu, le déjà-vu ne demande qu'à être revu et reconnu, et il nous tarde de "shooter" le musicien en action... A ceci près, que la pluie ne semble pas de cet avis.
H-Burns
Car tout commence par une frustration de taille. H-Burns, dont le dossier de presse du Cabaret Vert nous précise qu'il a enregistré avec l'"artisan du son de Nirvana ou des Pixies", nous semble un groupe fondamentalement prometteur. A l'écoute, la pop est douce mais racée, intéressante sous bien des aspects, malgré un scénique réduit à néant. Mais voilà : trois petites gouttes de pluie, un déluge, et c'est la débandade... Le chanteur, au public : "C'est la chanson qui vous fait partir ? Vous détalez... C'est bizarre, vu d'ici". Ici, c'est la scène principale, et on comprend le désarroi du leader dans l'histoire. Qu'il doit être étrange de devoir jouer, mais sans public ou presque. Voici donc la déception du jour : ne pas avoir réussi à apprécier à juste titre, à profiter tranquillement du set de ce groupe plein d'avenir...
Grindi Manberg
On se dit d'emblée que la configuration du groupe (synthé, guitare, batterie) convient assez bien aux codes actuels de la musique à la mode – c'est-à-dire un brin new wave... Mais Grindi Manberg dispense malgré tout une électro pop planante, un peu kitsch, clairement décalée qui intéresse et fait rester. Le tout semble parfois dissonant, le chanteur paraît parfois "ailleurs", il y a un petit côté quelconque dans certains titres, mais tout cela se laisse écouter. Il a déjà été chroniqué par les Inrocks : on s'incline, donc, et on plussoie.
Bomba Estereo
A ce stade de la journée les écoutilles sont à peine échauffées, et le moral baisse. La pluie fait naître sans nul doute un doute réel entre les festivaliers qui se jaugent sans savoir comment va continuer la journée, tandis que les organisateurs jettent des regards inquiets vers un ciel torturé – il n'est que 17h30. Puis arrive Bomba Estereo. S'il y eut un ovni dans la programmation, c'est bien celui-ci. Le groupe est colombien, propose une "électro tropicale" étrange, teintée de rap, qui me donne immédiatement l'impression d'être dans une ambiance "latino" au fin fond d'une boîte de nuit lambda. Si je ne trouve pas cela du tout convaincant – me viendrait même l'envie de faire une mauvaise blague avec un titre de Lévi-Strauss, "Tristes Tropiques", force est de constater que... c'est ce qu'il fallait pour réchauffer les cœurs et redonner vie au Stade Bayard. Une foule réelle se masse et se déhanche, et... parce que l'ironie du soir existe, le soleil, sous les coups de boutoir d'une Liliana Saumet sautillante et motivée, revient...
Royal Republic
Et puisqu'il fallait une claque, une bonne, en voilà une : elle est suédoise, et pourtant, elle brûle. Il paraît que les Royal Républic "marche sur les traces des héros de The Hives". N'ayant jamais vu ces derniers en live, il m'est impossible de confirmer, mais alors... Quel punch. Quelle vie. Quelle envie. Il faut dire que le chanteur, à qui je ferais volontiers une déclaration d'amour si l'occasion m'était donnée, impressionne, grâce à un petit côté Elvis Presley, souriant, aguicheur, et sans complexe. Le rapport au public de ce show man est, bien entendu, excellent et la punk pop à la sauce rock se révèle incontournable. Un superbe, magnifique, inoubliable moment.
Two Door Cinema Club
Déjà plutôt appréciés aux Eurocks lors de leur passage cette année, je ne sais pas bien quoi dire de plus, à vrai dire, hormis que le set est encore plus convaincant que la dernière fois – même si le costard reste le même et le verre de vin blanc semble immuable à Alex Trimble : est-ce l'horaire, le public, la lumière, la setlist ? Les Irlandais n'usurpent pas leur réputation ni leur succès, et leur pop rock a vraiment quelque chose de tout à fait particulier et, de fait, d'appréciable – et "What you know" a beau être un tube en tête des charts, il reste un morceau tout à fait excellent.
Hanni El Khatib
On est bien content de le revoir, Hanni El Khatib. L'an dernier, aux Eurocks toujours, il avait fait mouche musicalement mais avait déçu scéniquement. Nous a-t-il entendus ? Qu'importe. L'homme a pris de la bouteille, a revu son set, l'a considérablement dynamisé : le solo ne se fait plus dos au public au fond de la scène, le regard est plus franc, plus assumé, plus fier aussi. Du coup, son blues rock semble claquer plus, et produit un effet assez fascinant. En somme, Hanni El Khatib a trouvé le bel équilibre scénique qui manquait à sa musique pour que tout soit parfait.
Wu-Tang Clan
On pourra dire : je les ai vus. Les neuf gaillards du Wu-Tang Clan entrent sur scène et on ne sait pas vraiment où donner de la tête. Le hip-hop n'est pas vraiment de mon goût et j'ai beau me dire que j'ai une tripotée de légendes vivantes devant les yeux, j'ai malgré tout du mal à rester jusqu'à la fin. Difficile de ne pas produire un set qui semble brouillon avec autant de MC sur scène, même si je sais que le tout, c'est-à-dire l'essentiel, est ailleurs. Je m'excuse ici humblement auprès des spécialistes et des fanatiques du groupe.
On rentre paisiblement, pendant que le leader des Bloody Beetroots sautille au loin, le corps perdu en l'air entre deux soubresauts de stroboscope. Eux aussi, ils ont l'air ici plus efficace, plus fringant, plus motivé qu'aux Eurocks. Le Cabaret Vert bénéficie aussi de la cela : la fougue ultime de groupes dont la tournée touche à sa fin – et qui le savent. S'il n'y a pas eu de "ratés" à proprement parler lors de cette journée, ce samedi aurait mérité une programmation un tout petit peu plus cohérente... |