Il paraît que le talent naît de la frustration. Ne me demandez pas qui a dit ça, non pas parce que j’avais 3 grammes quand je l’ai entendu, mais parce qu’il est des vérités qui n’ont pas besoin de signature pour être vérifiées. Et elle se vérifie encore une fois ici avec Sous le manteau du silence de Claire Bergeron.

Quoiqu’on en pense, la vie n’était pas forcément plus facile avant. Et pour Claire Bergeron, devenir médecin dans le Québec des années 60 était tout simplement impossible. Si une femme voulait s’atteler au monde médical, elle devenait infirmière, c’est tout. Ce qu’elle fit, évidemment. Aujourd’hui, elle nous raconte sa passion à travers la quête de la vérité de Rosalie Lambert dans Sous le manteau du silence.

Tout commence dans un hôpital en 1967, Rosalie la secrète est de garde, elle se retrouve à soigner un vieux curé acariâtre qui semble lui réveiller de mauvais souvenirs. Pas de bol, une erreur de dosage (de sa part) tue le prêtre. Son trouble à la vue de Charles-Eugène Aubert (le curé) était évident, crime avec préméditation ? Ajouter à ça le mystère dont Rosalie s’entoure, il n’en fallait pas plus pour susciter ma curiosité.

De retour chez elle, elle se plonge dans son passé, et nous avec. Québec, 1941, à sa plus grande joie, et faisant la fierté de son père, Rosalie vient de recevoir son diplôme d’infirmière. Elle est brillante, jeune, naïve, enthousiaste et conquérante. Elle choisit d’exercer loin de tout, dans le dispensaire d’une récente colonie éloignée : l’Atibiti. Après les premières déceptions : il pleut, il caille, ses belles bottines sont foutues… Elle devra aussi s’occuper d’arracher des dents et des accouchements. Le curé ne semble pas commode, mais pas encore un ennemi (oui, c’est celui-là le vieux de l’hôpital).

L’accueil est chaleureux et son tact couplé à son talent lui apportent le respect et l’amitié de tout le village. Oui, tout semble idyllique, jusqu’au coup de foudre pour Marc-Olivier. Tout va bien, la suite semble toute tracée, avec mariage heureux et vécurent heureux fort fort longtemps. Mais non. A la plus grande stupeur de tous, Rosalie disparait du jour au lendemain. Pourquoi ?

De nos jours, pour prouver son innocence aux yeux du jury (sa culpabilité est évidente), elle retourne sur les traces de son passé. Nous dévoilant pudiquement son passé, pièce par pièce, ses regrets et ses remords. Elle retrouve ses anciennes connaissances, tendres et indulgentes.

Le roman m’a fait penser à Cold Case, la série qui met en scène Lyly Rush, seule femme inspecteur, qui enquête sur des meurtres jamais élucidés commis il y a plusieurs années. Au début seule contre tous, elle trouve petit à petit des alliés, convaincus qu’on peut tout de même résoudre un crime des années plus tard.

La particularité de cette série (qui ne serait qu’une énième série policière dans ce détail poétique) est la manière dont sont présentés les anciens protagonistes de l’affaire. La première vision est celle de leur aspect au temps des faits (visage, mèche ridicule et fringues ringardes), comme dans le souvenir de la victime. Puis on voit ensuite leur visage actuel, vieilli, souvent fatigué et plus triste. J’ai ressenti la même chose en lisant ce roman de Claire Bergeron, à chaque retrouvaille, elle évoque le souvenir qu’elle a de ces personnes, puis elle ajoute à cette description les "ravages du temps" (25 ans ce n’est pas rien pour les mèches et les fringues quand même !). C’est beaucoup plus fin que ça dans le livre, mais l’effet est le même.

Tout en nostalgie et en douceur, Sous le manteau du silence nous plonge dans le passé de Rosalie, sur les traces de la vérité, qui éclatera, au prix de nombreux efforts. Un sacré bon moment de lecture, qui change un peu des éternelles enquêtes sur les pervers pédophiles des séries télés.