Farces cruelles de Anton Tchekhov, Eugène Labiche et Georges Courteline mises en scène par Jean-Christophe Barbaud, avec Frédéric Schmitt et Jean-Christophe Barbaud.
C’est avec le sourire bienveillant de Jean-Christophe Barbaud en vieil acteur russe quittant définitivement la scène que commence cette soirée de quatre courtes pièces, définies comme des "farces légères et cruelles".
Rien de plus compliqué que d’enchaîner des pièces, de surcroît d’auteurs différents. Dans ce spectacle intitulé "Chien ou loup", Jean-Christophe Barbaud et Frédéric Schmitt y réussissent presque à la perfection. Partir du "Chant du Cygne", un Tchekhov plus émouvant que drôle, pour aboutir à "Monsieur Badin", un Courteline absolument courtelinesque, paraît une gageure improbable.
Pourtant, si chaque pièce n’était pas annoncée par une belle astuce vidéo, on pourrait croire qu’il s’agit de quatre textes d’un même auteur. Car tout dans "Chien ou loup" est travaillé pour trouver des correspondances entre le climat russe et l’ambiance française, entre la douce folie pré-surréaliste des uns et l’amère mélancolie des autres.
D’emblée sautent aux yeux, le soin, la méticulosité de tous les éléments. Ici, même un paquet-cadeau est beau, même le carton d’une boîte de chaussures paraît luxueux. Les couleurs choisies pour les vêtements sont étudiées pour fournir de jolis contrastes avec la blancheur du décor.
La mise en scène de Jean-Christophe Barbaud n’est pas avare de trouvailles joliment modestes, comme ces effets "lanternes magiques" utilisées dans "Un jeune homme pressé". Dans "Monsieur Badin" qui clôt le spectacle, il va au-delà de l’illustration et propose une version délicieusement futuriste de l’œuvre de Courteline.
Mine de rien, dans ces quatre chapitres enlevés, alertes, limpides, les deux compères s’amusent à donner des coups de canifs dans le conformisme, le monde des chiens domestiqués, et lui préfèrent celui des loups non-conformistes.
En quelques tirades crépusculaires, l’acteur du "Chant du cygne" retrouve un court instant le jeune loup qu’il fut. Dans l’autre Tchékhov, "Tragédien malgré lui", le mari, esclave des emplettes de ses proches, finit par donner libre cours à sa sauvagerie animale.
Le jeune homme pressé et plein de toupet de Labiche perturbe les desseins médiocres d’un commerçant. Quant à Badin, il se refuse aux chaînes des tâches administratives.
Hymne souriant à ceux qui osent et condamnation pas méchante de ceux qui se résignent, "Chien ou loup" est une proposition théâtrale pleine d’allant et de surprises. Jean-Christophe Barbaud a conçu avec beaucoup d’intelligence un "menu varié" dont on il faut absolument se délecter. |