Réalisé par Justine Triet. France. Drame. 1h34 (Sortie 18 septembre 2013). Avec Laetitia Dosch, Vincent Macaigne, Arthur Harari, Virgil Vernier et Marc-Antoine Vaugeois.
Obnubilés par l'anecdotique élection d'un énième président de la République Française, les Français n'ont pas su que, le 6 mai 2012, rue de Solférino, se déroulait un événement d'une toute autre importance : une véritable bataille rangée entre Laétitia et Vincent pour la garde de leurs enfants.
Laétitia, journaliste à I-Télé, couvrait la dite élection présidentielle, micro jaune en bouche, et interrogeait ici et là les tenants du candidat François H, de braves jeunes gens bien sur eux et surtout à gauche, le matin, quand ils se lèvent de ce pied-là. Vincent, son ancien compagnon, hirsute barbu sans doute artiste genre théâtre d'avant garde éternelle, lui, cherchait à faire respecter son droit de visite.
Le choc frontal eut donc lieu rue de Solférino et fut filmé par Justine Triet à l'aide de huit caméras qui suivaient en direct leur affrontement dans la foule compacte venue, elle, pour la "grande" petite histoire présidentielle.
C'est donc à un véritable exploit technique que l'on assiste avec des scènes forcément improvisées intégrant la participation involontaire de militants et de policiers. Pour compliquer les choses, Justine Triet intègre de "faux" militants qui ont d'ailleurs souvent plus à dire que les vrais.
On se plaint assez que le cinéma français ne se serve pas assez, voire quasi jamais, de l'histoire contemporaine pour féliciter d'emblée Justine Triet pour son "idée originale". Une fois le film vu, on la félicitera d'autant plus que le pari est réussi, car on aura assisté à une mise en abyme assez formidable.
"La Bataille de Solférino" de Justine Triet donne à voir des "bobos" horripilants, de ceux qui, justement, dans leurs conversations se plaignent que le cinéma français ne soit pas en prise avec l'actualité, et qui, jamais, au cours de leur scène de ménage abracadabrante et rocambolesque ne s'intéresseront à ce qui se passe en France le 6 mai, alors qu'ils traversent un Paris en "liesse" de la rue de Solférino à la place de la Bastille...
Autour du couple maudit, gravite toute une galaxie de copains-copines, intermittents de leur spectacle, qui fait la force de la narration de Justine Triet. Elle densifie ainsi ce qui n'aurait pu être qu'une bonne idée, elle crée un petit monde parisien qui, sociologiquement, a sa cohérence : un avocat et son chien, un "baby-sitter" amateur - honteusement sous-payé par Laetitia - et surtout un "nouvel homme" bien compréhensif et dernier dépositaire d'une utopie bien malade.
Tous sont entraînés dans les méandres des bisbilles entre Vincent et Laétitia et deviennent acteurs de cette soirée "inoubliable" pleine de tensions psychologiques et de détentions, d'armes de destruction sentimentale massives.
"La Bataille de Solférino" de Justine Triet est un prometteur capharnaüm, plongeant dans le réel et surfant aussi dans le fantastique urbain, un constat souvent acerbe de l'état d'une certaine "classe intellectuelle" en totale déréliction, alors que bruissent autour d'elle les échos d'un monde hostile.
Secouée par les colères soudaines de Vincent Macaigne, plus border line que jamais et qui trouve peut-être ici son rôle de référence, cette comédie cruelle parfois cassavétienne devrait marquer les esprits. |