Dernier jour du Festival International de la Chanson de Granby (FICG). C'est l'excitation car jour de finale.
Pour les vitrines présentées aux professionnels, ce jour-là la première chanteuse à présenter son projet est une des finalistes de l'édition 2012 du festival. Geneviève Morissette nous avait déjà séduit l'année dernière avec des chansons comme "je me présente tout' nue devant vous". Elle est aujourd'hui entourée d'un groupe rock qui envoie le bois. Elle a quelque chose de Diane Dufresnes, et pas seulement en raison de ses cheveux roux bouclés, mais aussi la voix, l'attitude, l'univers décalé. Une chanson comme "Toutes les chanteuses qui exagèrent" sur les chanteuses à voix qui percent en Europe, est un vrai bijou d'humour. Elle est en concert à Grenoble le 20 septembre, à Lyon le 21 et au Limonaire à Paris le 27 et le 28. Une chanteuse à aller voir sur scène, ne la manquez pas !
Buridane, seule devant le public, guitare en bandoulière, dégage beaucoup de charme. Son phrasé se fait presque rap sur "Parfois on recule", rock sur "Si 'y a personne" ou chanson intimiste sur "Vice et vertu", la jeune femme blonde déborde de talent. Adorable lorsqu'elle remercie les équipes techniques ou adresse une pensée à ses musiciens restés en France, le public fond devant ce petit bout de femme à la personnalité bien trempée.
Catherine Leduc, l'ancienne chanteuse de Tricot-Machine qui avait été révélation, il y a quelques années déjà, au gala de l'Adisq (les victoires de la musique au Québec), est en train de préparer son premier album solo qui devrait sortir en avril prochain. A Granby, c'est une des premières fois qu'elle joue cses chansons devant un public. Son groupe est composée d'une section rythmique entièrement féminine ce qui est assez rare pour être souligné. Son folk termine les vitrines de Granby très tranquillement. Catherine Leduc reste dans les ambiances douces déjà explorées au sein de Tricot-Machine.
La finale commence à 20h30. Jadis des artistes comme Pierre Lapointe, Isabelle Boulay, Jean Leloup ou Lisa Leblanc ont remporté ce prix. D'autres comme les soeurs Boulay ou Salomé Leclerc ont participé à ce grand concours de la chanson francophone qui leur a mis un pied à l'étrier pour une carrière internationale. Dans la salle, la famille de certains des participants a fait jusqu'à neuf ou dix heures de voiture pour venir les applaudir sur la scène du Palace à Granby.
Le premier candidat Eric Charland, chemise en jeans et guitare en bandoulière et harmonica aux lèvres, se lance dans des balades folk. Son univers est inspiré par Ariane Moffat. Sa voix est splendide, ses harmonies de guitare très agréables. Une chanson comme "Alexandra" par contre tombe dans une variété influencée par les années 50 qui n'est pas des plus digestes. Le garçon est sympathique, semble sincère, mais plus à l'aise sur le folk que sur la variété, peut-être en raison de son premier groupe qui s'essayait à de la pop anglo-saxonne.
Sarah Cochrane fait des textes personnels, qui parlent de la vie de tous les jours. Seule au piano pour son premier morceau, la jeune fille a du culot. Même lorsqu'elle connaît un problème de sangle avec sa guitare, elle ne perd pas son sang-froid. Sa pop est servie par une voix puissante. La dernière chanson, élégamment enrobée par les cordes de l'orchestre, est unanimement applaudie par le public. Il est évident qu'on entendra parler de la jeune montréalaise Sarah Cochrane dans les années à venir.
Le folk country de Mathieu Rancourt est solide, bien fait, mais manque singulièrement de personnalité. Si le jeune montréalais parvient à faire passer de l'émotion, il ne parvient absolument pas à marquer de son empreinte un style très balisé. Lorsqu'il s'essaie ensuite à la pop sur sa chanson "Ainsi va la vie", là non plus il ne parvient pas à vraiment installer son style. Le garçon ne manque pas de talent dans son écriture ou de potentiel dans l'interprétation puisqu'il a une voix puissante et chaude et une gamme chromatique très large, mais il n'a pas encore vraiment trouvé sa voie.
Au début de sa carrière, Dave Puhacz a commencé sa carrière chez les bootleggers, les revendeurs d'alcool dans les villages, du Nouveau-Brunswick. Sa voix est rocailleuse et sa musique sent la tourbe. Son folk rock est très marqué par ses origines de Maisonette. Par contre, lorsque la basse se met en route pour soutenir son interprétation, et que l'orchestre rocke, le public réagit chaudement. Résolument plus rock que les interprètes précédents, on le sent vraiment à l'aise dans le rock ricain bien lourd. "Je nous ai cassé en deux", sa chanson sur la rupture rencontre un franc succès. Et quand il dit qu' "il capote" d'être sur scène, c'est-à-dire qu'il prend son pied, on le croit.
Raphaël Butler fait du folk rock bien troussé. Sa voix rendue profonde, certainement par le whiskey et les cigarettes, donne une vraie authenticité à ses chansons qui parlent de voyage et d'amours malheureuses. Lorsque le cowboy de Moncton au Nouveau-Brunswick s'aventure dans des chemins plus rock FM, on le suit. Il a un bon sens de la mélodie et une présence scénique. Formé à l'Ecole de la Chanson de Granby, les chances de ce candidat sont réelles.
Les deux filles de Garoche Ta Sacoche ont un physique qui donne envie de devenir leur pote. Une grande et une petite, des vraies gueules et des personnalités. Leur musique, folk sur fond répétitif et plus parlé que chanté, est osée. Ce sont elles qui ont l'univers le plus personnel, mais aussi risquent le plus de diviser le jury. On les compare, paraît-il aux soeurs McGarrigle ou aux Denis Drolet. C'est drôle, et surtout ce sont les deux candidates qui développent le plus un univers qui leur est propre.
Après la prestation d'Andréanne A. Malette, la porte-parole du festival et gagnante de la Star Academie 2012 au Québec (ce n'est pas une faute de frappe, on vous l'a déjà dit, ici la langue française est respectée. Pas d'"anglophonisation" des mots pour rien), qui vient présenter les chansons de son nouvel album résolument orienté folk variété, vient le moment des résultats.
Tous les candidats remportent des prix, que ce soit des invitations lors de festival ou des prix destinés à produire professionnellement un album. Dans la liste des prix, remis en présence du Ministre de la Culture du Québec, M. Maka Kotto, du Maire de Granby et surtout de Roch Voisine, on retiendra l'invitation aux rencontres d'Astaffort, chez Francis Cabrel, pour Sarah Cochrane, et le prix des Francofolies, ce qui leur ouvre la voie des scènes à Montréal, La Rochelle et Spa, et le grand prix pour Garoche Ta Sacoche.
A l'issue de la finale, on passe une tête pour aller voir Eric Lapointe sous le chapiteau. Le concert gratuit est blindé. Le service d'ordre refuse l’accès aux crash barrières. Le beuglant québécois qui ferait passer Garou pour un Petit Chanteur à la Croix de Bois et Johnny Halliday pour un apôtre du bon goût et du style, rameute les foules. Et pourtant quelle misère dans ce rock gueulard sans nuance aucune, où les fans arborent des t-shirts avec des cobras ou autres motifs tout aussi élégants. On fuit très vite et souhaite à Eric Lapointe d'aller brûler en enfer avec Florent Pagny.
A la soirée d'après remise de prix, soirée animée par le deejay aussi loufoque que belge DJ Dijé, on croise les Hay Babies, Lisa Leblanc ou encore Geneviève Morissette. Mais c'est surtout l'occasion de remercier Pierre Fortier, le directeur du festival, et toute son équipe, Jessica, Isabelle, Dany, Hélène, Josiane, Charlotte, Josianne (avec 2n) et Jo-Annie pour leur accueil et leur formidable travail au service de la chanson francophone.
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