Comédie de Molière, mise en scène de Philippe Adrien, avec Raphaël Almosni, Vladimir Ant, Gilles Comode, Pierre Diot, Joanna Jiannoux, Valentine Galey, Pierre Lefebvre et Patrick Paroux.

L'argument de "L'Ecole des femmes" de Molière simplement résumé est connu : un barbon amoureux d'un tendron qui est sa pupille et qui s'occupe de mitonner l'éducation de celle-ci pour en faire l'épouse aussi ignorante qu'irréprochable qu'il se destine, se voit damer le pion par un jouvenceau.

Et la morale souvent tirée de cet opus considéré comme une farce est, outre la punition méritée du tyran domestique doublé d'un oppresseur antiféministe, le triomphe de l'ordre des choses, de la nature, de l'amour et de la liberté.

Mais Mais c'est sous un autre angle de vue qu'il faut appréhender la lecture de Philippe Adrien dont, par ailleurs, la mise en scène pointilliste ne manquera pas de déconcerter par ses partis pris qui concourent au mélange des styles et des genres : le vaudeville avec Chrysale, l'ami bon vivant (Pierre Diot), la farce paysanne avec les serviteurs idiots et serviles (Gilles Comode et Joanna Jianoux) et "politique" avec le retour du père devenu amish (Vladimir Ant) et la commedia dell'arte avec le numéro de clown de Raphaël Almosni dans le rôle du notaire.

En effet, comme quasiment chaque scène a sa tonalité, de la farce au vaudeville en passant par le pathétique, avec une dominante au comique résolument appuyé, c'est en s'écartant de l'ensemble que se distinguent les vrais enjeux de la partition à travers les caractères tels qu'ils sont portés par les comédiens.

Ce que donne à voir Philippe Adrien, et Molière quoi qu'en pensent ceux qui le qualifie de chantre de la condition féminine, ce n'est pas la défaite d’une tyrannie masculine mais la victoire de la duplicité féminine qui serait consubstantielle à sa nature.

Et ce n'est pas tant le triomphe de l'Amour avec une majuscule - Agnès a déjà les yeux dessillés quant à son blondin Horace, benêt énamouré aux airs de ravis de la crèche (Pierre Lefebvre) quand elle crie "Me laissez-vous, Horace, emmener de la sorte ?" face celui-ci liquéfié ("Je ne sais où j’en suis, tant ma douleur est forte") - que la défaite pathétique d'une passion amoureuse.

Celle de Arnolphe, superbement campé par Patrick Paroux, cousin germain de Dandin par son rêve d'ascension sociale, paysan devenu propriétaire foncier ayant accédé au rang de petit bourgeois et qui se pique d'une particule, a un bien auquel il tient plus que tout, son honneur, et donc une terreur, celle du cocuage.

Aussi entend-il élever sa propre épouse prise au berceau en la maintenant recluse à l'écart du monde et de ses tentations dans une maison qui ressemble au couvent dans lesquels sont élevées les jeunes filles de bonne famille.

Le décor de Jean Haas est à cet égard signifiant : fenêtre en ogive, chambre monacale, ouverture sur un potager planté de choux qui s'apparente à un cloître. Mais une tête naturalisée de cerf placée au dessus-d'une porte loin d'être apotropaïque annonce l'inéluctable qui attend le bonhomme, et, s'il transforme sa maison en couvent avec une succession de portes cadenassées, il oublie d'occulter les fenêtres.

Et le premier galant qui passe a tôt fait de lui ravir la belle qui n'a pas besoin d'être savante pour reconnaître et préférer le jeune beau au vieux.

Dans le rôle d'Agnès souvent réduit à la candeur de la réplique "Le petit chat est mort", Valentine Galey, la révélation du spectacle, donne au personnage une dimension inattendue, presque machiavélique tant est radicale son affirmation de soi qui n'est peut-être pas uniquement due à l'effet de l’amour, ce "grand maître" qui "rend agile à tout l’âme la plus pesante et donne de l’esprit à la plus innocente".