Comédie dramatique écrite et mise en scène par Joël Pommerat avec Saadia Bentaïeb, Agnès Berthon, Lionel Codino, Angelo Dello Spedale, Roland Monod, Ruth Olaizola, Marie Piemontese et David Sighicelli.
Créé en 2004 au Théâtre national de Strasbourg, "Au monde" revient à Paris où il est proposé pour la première fois à l’Odéon-Théâtre de l’Europe.
Les voix sonorisées, les bruits de pas amplifiés (et parfois décalés), le spectacle démarre sur un rythme d’une extrême lenteur (voulue) comme pour exprimer la confusion qui règne dans cette famille où le père, vieil homme à la tête d’un empire, règne sur des millions d’employés.
Dans la maison, c’est autre-chose. Deux filles aussi dissemblables que possibles : l’une, mutique attend un enfant ; l’autre, exubérante est présentatrice-vedette d’une émission de variétés à la télévision. Il y a là encore le mari de la première : golden-boy sans scrupules ainsi qu’une énigmatique créature employée par celui-ci et censée soulager sa compagne. Mais on se demande comment, car elle passe son temps à faire des allées et venues à toute heure et à regarder la télévision.
Il y a encore la plus jeune, adoptée pour remplacer la perte de la sœur disparue. Et enfin le fils, revenu de l’armée, qui ne quitte pas sa chambre et sort marcher la nuit, à qui le père proposera de le remplacer. Le décor est planté, les personnages présentés, la pièce peut commencer.
Il y a du "Festen" dans "Au monde", dans cette famille qu’on sent au bord de l’explosion et d’où chacun, dans un monde hermétique, peine à communiquer avec les autres membres du clan.Tout est dit à mi-voix, dans une ambiance feutrée.
La mise en scène à géométrie variable utilise le plateau que les rayons d’Eric Soyer éventrent de part et d’autre latéralement au sol et verticalement pour symboliser la lumière extérieure qui peine à s’immiscer dans ce monde sombre et nébuleux. La scène est le lieu de tous les croisements de ces personnages qui n’arrivent pas à rentrer en contact.
Joël Pommerat réussit un spectacle entièrement maîtrisé, dense, à la mise en scène splendide et dont l’opacité donne une vraie dimension à ce huis-clos familial où il dit (ou fait dire à ses personnages) des choses importantes sur l’argent, le travail, la famille.
Une œuvre magistrale dont la trace demeure bien après la fin, signe des grands spectacles. |