Comédie dramatique écrite et mise en scène par Joël Pommerat avec Saadia Bentaïeb, Agnès Berthon, Lionel Codino, Angelo Dello Spedale, Murielle Martinelli, Ruth Olaïzola, Marie Piemontese et David Sighicelli.
C’est tout d’abord la voix superbe et évocatrice de la narratrice (Agnès Berthon) qu’on entend. Elle est là, au vingt et unième étage de cette tour dans l’appartement de son amie et raconte.
Toute l’histoire sera racontée de son point de vue à elle. Elle est le témoin impuissant de la détresse de son amie, sans emploi, dans cette ville où l’unique chance de travailler est l’usine proche.
Joël Pommerat avec "Les marchands" interroge la notion de travail et par ce portrait réaliste touche du doigt la misère moderne dans une société où l’on n’existe que par son activité sociale. Des scènes sont, à ce titre, implacables comme celle où, alors qu’elle a invitée toute sa famille pour l’anniversaire de son fils, l’électricité lui est coupée faute d’avoir pu en régler la facture.
Une nouvelle fois, l’auteur et le metteur en scène de la Compagnie Louis Brouillard joue avec les contrastes, les ressemblances et brouille les pistes en nous entraînant dans un nouveau puzzle intriguant.
Le travail sur la bande-son, la gestuelle des comédiens (tous excellents), la mise en scène et la lumière qui découpent les silhouettes des personnages tels des figurines d’un jeu de société ainsi que l’ambiance générale qui fait penser à l’esthétique des films muets : tout montre le talent de Pommerat. Même le texte, écrit il y a dix ans, résonne encore étrangement aujourd’hui avec l’actualité.
D’où vient alors qu’on ne soit pas complètement convaincu par ce spectacle ? Peut-être justement parce qu’il concentre en deux heures tout le "style Pommerat" mais poussé jusqu’à l’excès. Tout y est ici très appuyé (trop) pour montrer le monde du travail, sa brutalité et son inhumanité.
On retrouve beaucoup de similitudes avec "Au monde" mais ici peu de surprise par rapport à l’autre spectacle qui, à la vision des deux, reste beaucoup plus dense et moins attendu. La voix off, qui ne sera jamais mieux utilisée que dans "Cendrillon" ou "Ma chambre froide", est ici tellement linéaire qu’elle en devient prévisible. Ce parti pris de raconter tout le spectacle en voix off étant de plus malheureusement rompu à la fin avec quelques dialogues inutiles.
En remettant la pièce dans son contexte et dans la chronologie de l’œuvre de Joël Pommerat, on peut apprécier tout ce qui fera sa patte dans son écriture, sa direction d’acteurs et sa mise en scène.
Le texte dit également des choses importantes sur le travail et la société. Mais malheureusement et on le regrette, si tout le savoir-faire est là, la magie cette fois n’opère pas tout à fait. Dommage… |