Du verre, partout, accommodé à merveille avec la brique historique. Les deux matières cohabitent sur les façades d’immenses bureaux aux courbes illogiques, penchés au sommet d’immeubles étroits en leur base et s’élargissant au fil de leur ascension. Comme une réponse moderne aux maisons à colombage qu’on voit dans les cités médiévales, dont chaque étage se décalait de quelques centimètres au-dessus de la rue. Certains bâtiments de Nottingham m’avaient laissé la même impression de combinaison réussie.
Je ne saurais pas retrouver quelles ont été mes premières surprises à Londres, avant d’en devenir un habitant temporaire il y a quelques années. Je sais ce que j’en ai retenu après coup : la solitude malgré le rythme ; la densité malgré le mouvement, l’extrême sentiment de sollicitation permanente à la misère sexuelle.
J’aimerais ne pas oublier l’empreinte initiale de Manchester, tellement inverse a priori. Ce que la ville va me faire ressentir, progressivement ; de quelle manière ma vision de la ville va évoluer d’un séjour à l’autre, quelques jours chaque semaine.
Ici, de nombreux magasins portent une couche de verre devant leur façade naturelle, maintenue par un système de tampons et d’acier. Une vitrine de vitrines. Mais ça n’a pas l’air faux, ou fabriqué ; on dirait plutôt que ces grands panneaux vitrés ont été posés avec délicatesse par des architectes soucieux et attentionnés, empathiques. J’apprends que la ville a été victime d'un attentat de l'IRA en 1996, et que ces façades en verre ont été déposées au cours de la reconstruction.
Quand je demande à des Mancuniens si cet attentat fut un traumatisme pour la ville, ils me répondent que c’est ce qui pouvait lui arriver de mieux. Un sens de la résilience qu’explique l’absence de victimes à l’époque ; des blessés par centaines, mais aucune autre mort à déplorer que celle d’un centre commercial moribond.