Comédie dramatique de John Patrick, mise en scène de Robert Bouvier, avec Emilie Chesnais, Elphie Pambu, Josiane Stoléru et Robert Bouvier.

Une mère supérieure, une novice, un prêtre à visage d’ange, une maman noire, le bruit des bougies qui coulent et s’écroulent, l’odeur du laurier brûlé… Nous sommes à l’église ou plutôt… en l’Eglise.

Dans une institution religieuse mixte d’Amérique du Nord, la Révérende soupçonne le Père Flint de s’intéresser de trop près aux jeunes garçons qui lui sont confiés.

Même si la jeune sœur James le défend, sa "religion est faite" : elle tient un dangereux pervers qu’elle se doit de dénoncer. Et même si la propre mère de la victime présumée lui demande de n’en rien faire…

Après le spectacle monté par Roman Polanski (quelque peu boudé à cause d’une promotion maladroite axée sur le sujet de la "pédophilie") et le film incarné par une Meryl Streep dépassant enfin sa posture de vieille Joconde puritaine, Robert Bouvier s’est jeté dans la mise en scène - et l’incarnation du prêtre trouble - de "Doute" du dramaturge américain John Patrick Shanley avec une redoutable force de conviction et de …distillation de doute !

Excellent comédien reconnu, sensible, périlleux et ambigu sans artifices, il compose un prêtre généreux, naïf, troublant, ouvrant des brèches et des abîmes. Auprès de lui, Josiane Stoléru, une des meilleures de sa génération, incarne la Mère supérieure, toute en retenue, sous-entendus, n’ayant nul besoin de preuves pour affirmer…la vérité.

Excellente prestation d’Emilie Chesnais, bouleversante nonette, petite sœur de l’agneau absent et admiratrice de l’homme peut-être loup mais d’abord homme. Enfin, Elphie Pambu est admirable de métier, de grâce, de conviction en mère allusive, qui a compris et son fils et la Vie : bravo !

Ce spectacle grave et gracieux, sans lourdeur, au texte remarquablement traduit par Dominique Hollier, n’est ni une charge convenue contre l’Eglise, ni une machinerie anglo-saxonne à faire penser d’équerre, mais une belle mise en péril, une plume d’esprit qui chatouille la conscience, une invitation à s’humaniser et à penser tout seul.

Bref, du théâtre, et du bon.