Spectacle conçu et interprété par Alma Palacios et Frank Vercruyssen d'après la nouvelle éponyme de Arthur Schnitzler.

Dans le cadre d'un triptyque théâtral présenté au Théâtre de la Bastille, la compagnie anversoise tg Stan, propose l'adaptation de la nouvelle "Mademoiselle Else" par laquelle Arthur Schnitzler dresse un portrait féroce de la société viennoise des années 20 à travers le destin brisé d'une jeune fille.

Mademoiselle Else a 19 ans. Narcissique, capricieuse, fantasque et versatile, elle s'étourdit de toutes les potentialités que semble lui offrir la vie. Elle se voit aussi bien courtisane aux "mille amants" qu'épouse d'un mari qui lui laisserait toute liberté que mère de famille même si elle ne se sent pas la fibre maternelle. Et toujours dans des lieux divins au bras d'hommes jeunes et beaux qui ne cesseraient de célébrer sa beauté.

Mademoiselle Else peut prétendre à un avenir doré car elle est jolie, elle le sait et compte bien en user, et, jeune fille de bonne famille de la bourgeoisie, et a reçu une bonne éducation avec piano, études des langues étrangères et de l'histoire de l'art.

Mais sa "bonne" famille désargentée n'hésite pas à lui demander de "se dévouer" auprès d'une riche relation, un marchand d'art sexagénaire énamouré qui n'en perd cependant pas le sens du commerce, pour obtenir l'argent nécessaire pour éviter la banqueroute.

Frank Vercruyssen a conservé le caractère novateur du texte qui hybride le monologue constitué des soliloques du personnage à la narration en temps réel avec l'apparition éphémère des personnages évoqués par la narratrice sous forme de silhouettes cursives auquel il prête son physique de flamand jovial et pince-sans-rire.

Ses incursions légères et presque comiques marquent le décalage entre le prosaïque de l'environnement sociétal et l'impasse psychologique dans laquelle se débat seule la jeune fille révoltée par la prostitution par ses propres parents et piégée par le chantage affectif.

Sur un espace scénique volontairement réduit à au pré carré d'une chèvre attachée à son piquet, des pleins feux du matin joyeux au crépuscule de la nuit du sacrifice, même si elle n'a ni la gestuelle ni le phrasé du début du siècle passé, Alma Palacios campe parfaitement, d'une manière distanciée qui toutefois n'est pas exempt de tout affect mais de leur démonstrativité naturaliste, tant la personnalité histrionique de Mademoiselle Else que sa descente en enfer.

Danseuse formée à l'Ecole PARTS de Anne Teresa de Keersmaeker, "Mademoiselle Else" constitue son baptême du feu sous les feux de la rampe et un texte de révélation pour une jeune comédienne qui dispose d'un belle présence scénique et d'un potentiel certain.