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Anne-Marie Gustave et Valérie Péronnet  (Editions Pygmalion)  octobre 2013

Les cinquante ans de Radio France donnent l’occasion de revenir sur cette histoire si particulière, du lien tissé entre des auditeurs et des voix immatérielles qui sortent du "petit poste", du transistor, de l’autoradio. Multiples sont les lieux où elles s’infiltrent, bandes-son du quotidien.

Nous avons vu La Maison de la Radio, le documentaire de Nicolas Philibert avec l’amer sentiment que cette maison se vide de son âme et qu’il faut dans un geste ultime, en recueillir les derniers témoignages. De concert avec la situation des journalistes qui a, par bien des côtés, tout d’une profession sinistrée : recours au CDD à répétition, pigistes en survie, moins de correspondants dans les pays étrangers, couverture des évènements en urgence, reportage cours, impudeur, versions stéréotypées de l’actualité. Aussi les citoyens décrochent-ils des médias traditionnels : télé, radio, journaux. Ils se tournent vers les informations sur internet, ils multiplient leurs sources et s’arrangent une compréhension du monde.

Cinquante ans, c’est l’âge de France Inter créée en 1963 aux côtés de France Culture et de France Musique, dès l’inauguration le 14 décembre 1963 de la Maison de la Radio par Charles de Gaulle, en présence d’André Malraux alors Ministre de la Culture.

Anne-Marie Gustave et Valérie Péronnet retracent cette grande aventure dans leur ouvrage : La saga France Inter, Amour, grèves et beautés. Elles s’appuient sur un travail d’enquête, remontent l’histoire de la station, recueillent un grand nombre de témoignages parmi les grandes figures. France Inter s’est construit une identité selon la personnalité forte et originale de Roland Dhordain, qui fait tout d’abord ses premières armes à Radio Luxembourg puis à Paris Inter. Alain Peyrefitte, ministre de l’information lui confie la réforme de la Radio Française en 1962. Il entre en sacerdoce ; la radio est la grande passion de sa vie et il recrute après de courts entretiens : ainsi Gérard Klein, Louis Bozon, Jean-Louis Foulquier, Claude Villers. Puis la station accueille encore des noms familiers : Jean-Pierre Elkabbach, Patrick Poivre d’Arvor, Jean-Claude Bouret, Roger Gicquel, Thierry Roland, Jacques Vendroux, Jean-Marie Cavada, Philippe Gildas, Ivan Levaï

Radio France a, dès sa naissance, été proche du pouvoir. Ivan Levaï rapporte que la rédactrice en chef Jacqueline Baudrier en poste jusqu’en 1968 (avant d’être rappelée) se réfère au ministre de l’information Roger Peyrefitte pour valider le conducteur du journal de la rédaction. Quant à Michèle Cotta, elle précise qu’à partir de 1977, lorsqu’elle rejoint le service politique de France Inter, elle ne subit aucune pression de la part de la même Jacqueline Baudrier, pour ses chroniques colorées socialistes.

Le mystère est toujours plus ou moins épais sur les véritables relations entre l’Etat et Radio France. Anne-Marie Gustave et Valérie Péronnet tirent au clair ici, en s’appuyant sur l’enquête d’Augustin Scalbert, La voix de son maître ? France Inter et le pouvoir politique 1963-2012, l’affaire de la nomination de Jean-Luc Hees à la tête de Radio France et Philippe Val à France Inter. Elles confirment que Carla Bruni soumet le nom de Philippe Val à la décision de Nicolas Sarkozy, président de la République adepte du népotisme. Philippe Val demande ensuite que Jean-Luc Hees soit nommé à la direction de Radio France. Chaque changement de régime politique s’accompagne du remaniement des dirigeants de Radio France : symbole fort de l’intérêt mâtiné de méfiance des grands élus de l’Etat. Une instabilité qui ne favorise pas l’insolence ou la prise de risque, trop soucieux de se reconvertir dans un poste du même prestige symbolique.

Anne-Marie Gustave et Valérie Péronnet ne cachent pas leur parti-pris, leur opinion, leur agacement. Nous relevons un exemple qui devrait rejoindre ce que nous pensons chez Froggy's Delight : "Il semble que les derniers directeurs d’Inter aient réussi à supprimer une certaine forme, musicale, de son. Dernières victimes du massacre, la Black Liste et Les Nuits de Laurent Lavige et Sous les étoiles exactement de Serge Levaillant, sabordées en 2013. Ça a tout d’une marche funèbre (…) - la vitalité musicale que les auditeurs furent si nombreux à aimer. Et sont si nombreux à regretter".

C’est dire le sentiment d’abandon que les auditeurs vivent lorsqu’une émission est subitement arrêtée. Le livre rappelle, avec effusion, les émissions qui sont rentrées dans la mémoire collective : Radioscopie de Jacques Chancel, Le tribunal des flagrants délires de Claude Villers, Le Pop-Club de José Artur, Pollen de Jean-Louis Foulquier, C’est Lenoir de Bernard Lenoir (et son fameux "caresse et bise à l’œil" en clôture), Le crumble de Kriss, Là-bas si j’y suis de Daniel Mermet (toujours à l’antenne), Panique au Mangin Palace de Philippe Collin et Xavier Mauduit et beaucoup d’autres… Manquerait-il Cartier libre, la minute de Caroline Cartier, à ce drôle d’inventaire ?

Abandon… nostalgie. Est-ce que l’époque a changé ? Comme le dit Nougaro : "Capitale que la guerre épargna et que la paix massacre" au sujet de Paris.

Prêtons l’oreille à Zoé Varier : "… à France Inter, il se passait des choses, il y avait de grosses personnalités. C’était un endroit où tu pouvais avoir des discussions de fond et en même temps t’amuser. On se marrait. L’air était saturé de gens qui réfléchissaient et qui pensaient, de gens créatifs". Donc ce n’est pas qu’une impression, ce son d’encéphalogramme plat. En fait, c’est le moment de parler au chevet du patient dans le coma, de lui raconter son histoire pour qu’il reprenne vie. Voilà cette saga, illustrée en couverture par une photo qui présente un micro sans personne derrière.

Un micro perdu ou… accaparé par Frédéric Mitterrand, ministre de la culture de Nicolas Sarkosy qui intègre l’antenne en septembre 2013 pour l’émission Jour de Fred, un tête-en-tête d’une heure avec une personnalité, comme le commentent avec ironie nos deux journalistes (Télérama et Psychologies Magazine).

L’histoire est encore souvent raconté du point de vue des puissants, et on laisse dans l’ombre la situation des sans-voix. La Saga France Inter ne fait pas vraiment exception. Elles évoquent pourtant le personnel hors micro, en particulier les attachés de production dans l’entretien avec Rebecca Denantes : "On fait 80% du boulot (…) enrage Rebecca Denantes. A France Inter, on a affaire à des gens qui ont souvent des activités annexes : Télévision, Théâtre. Noëlle Bréham vient juste pour l’enregistrement de Maman, les petits bateaux que son attapro a préparé toute seule, et les filles qui bossent avec Guillaume Gallienne abattent un travail de titan ; elles sont l’âme de cette émission magnifique. On ne nous écoute pas assez".

C’est aussi assez peu pour les attachés de production. Quant aux pigistes, stagiaires, ils se cachent certainement derrière la "multitude de travailleurs aux statuts étranges reconduits (ou pas) saison après saison. Quel est ce statut étrange dans le droit du travail ? On aimerait bien être plus renseigné. Bien sûr, ce n’est pas tout à fait le sujet du livre. Mais alors pourquoi s’appesantir autant sur les grèves, sur le soupçon que certains sont payés à ne rien faire qui donne l’image d’une entreprise mal gérée, sclérosée par le pouvoir des syndicats ? Radio France et la lutte des classes. Les grèves : ça fait perdre des auditeurs. Ça sonne étrangement comme la "prise d’otages des usagers". C'est-à-dire l’antienne libérale.

Stéphane Bern s’est prêté avec honnêteté à l’interview, il dit : "On est le bon goût, on sait ce qu’il faut penser. Ecoutez-nous, parce qu’on va vous l’expliquer. Parfois, c’est pesant. C’est le côté sclérosant d’une telle famille, avec cette endogamie. On est ensemble, on vit ensemble. On est fermés au monde, mais on va l’éclairer pour vous". Question endogamie, on peut faire confiance à ce spécialiste des têtes couronnées. Un commentaire qu’approuvent nos deux auteurs sans prendre la distance nécessaire.

Qu’une minorité s’arroge le droit de penser pour une majorité, qu’on oppose ceux qui font et ceux qui représentent le produit, qu’on érige en règle qu’il faut être le premier sur le coup comme il faut être le moins cher sans regarder trop à quelles conditions et si un minimum de règles sont respectées ou enfreintes, qu’une communauté vieillissante accapare les postes de pouvoir et bloquent l’accès à des jeunes qui sont maintenus dans des conditions de vie précaire (encore heureux toi qui travailles dans cette entreprise prestigieuse), que le salarié trop vieux soit considéré comme dépassé avant d’être remercié sans égard et pire, sans avoir formé un plus jeune pour perpétuer l’esprit "Maison" (de la Radio), que ce soient des financiers à la tête des entreprises, des institutions culturelles : ce n’est pas le problème de France Inter, de Radio France, c’est le problème du monde du travail d’aujourd’hui, des conséquences du libéralisme.

Une telle propagande que les journalistes à l’antenne sont les premiers à relayer, au mépris des réalités de leur propre secteur. Que dit-elle des grèves Valérie Péronnet de Psychologies Magazine quand Denis Olivennes annonce la cession de 10 titres chez Lagardère, dont Psychologies Magazine ? S’agit-il de prendre en otage le lecteur ou de montrer une solidarité de classe face au discours de rentabilité de la Finance ? Alors peut-être qu’il faut appuyer sur l’accélérateur pour que ce système explose une bonne fois pour toute… débrancher le patient sous perfusion pour filer la métaphore.

 
A lire sur Froggy's Delight :
La chronique de la compilation "Bernard Lenoir L'inrockuptible"

Sandrine Gaillard         
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