Comédie dramatique de Samuel beckett, mise en scène de Serge Noyelle, avec Christian Mazzuchini, Grégori Miege, Serge Noyelle et Noël Vergès.
Si "En attendant Godot" avait été une pièce policière, il y aurait eu forcément depuis sa création une majorité de critiques pour révéler à chaque fois son dénouement et apprendre aux mal-informés que Godot était le cousin de l'Arlésienne.
Mais il est une autre question qui ne se résout qu'après chacune des représentations : est-ce que l'esprit de Beckett, lui, soufflait sur scène. Car on peut bien toujours attendre Godot sans jamais entendre Beckett.
On sera vite rassuré avec la version clownesque de Marion Coutris et de Serge Noyelle. Vladimir et Estragon, les deux clochards au pied de l'arbre se cherchent bien un peu, comme deux sportifs coiffés de chapeaux melons, l'un au nez rouge l'autre le visage fardé, qui doivent s'échauffer avant d'être capables de courir à plein régime.
Une fois réglées leurs foulées pour tutoyer l'absurde et vouvoyer le non-sens, les voilà au taquet beckettien, prêts à jouer les passeurs guidant le spectateur vers l'univers de l'Irlandais francophone.
Dans la simplicité du décor voulu par ce bon vieux Sam, les deux compères mangent leur carotte à goût de navet entre la pierre et l'arbre, un arbre suspendu se reflétant joliment contre le mur-toile au fond de la scène.
Christian Mazzuchini et Noël Vergès savent faire attendre l'hypothétique Godot en se délectant de l'apparent fouillis de mots déposés par Beckett pour que naisse au hasard du rien des lambeaux de sens et de poésie. Ils sont prêts pour l'imprévisible qui prendra la forme improbable de Pozzo (Serge Noyelle) et de Lucky (Grégori Miège), son souffre-douleur.
Dans la version de Marion Coutris et de Serge Noyelle, cette double irruption du couple Pozzo-Lucky revêt une importance primordiale. Assumant le parti-pris clownesque, ils mènent Beckett vers Fellini, vers un grotesque épique où le rire se fait tonitruant, l'absurde féroce.
Après leurs passages, Vladimir et Estragon doivent reconstruire leur petit univers de guingois, soumis aux trous d'air d'un monde aléatoire qui s'échappe chaque fois qu'ils cherchent à le construire ou à le consolider.
Le résultat est très convaincant, même si on peut parfois contester le Vladimir pessimiste, presque tragique, que propose Christian Mazzuchini, alors que, face à lui, l'Estragon de Noël Vergès se veut plus distancié, comme le prouve sa manière "à la Bourvil" de toujours prononcer "En attendant Godot". |