Réalisé par Philippe Garrel. France. Drame. 1h17. (Sortie 4 décembre 2013). Avec Anna Mouglalis, Louis Garrel, Rebecca Convenant, Olga Milshtein et Esther Garrel.
D'abord, on pense qu'on est devant un "Garrel mineur", devant une brève resucée de tous ces films précédents dans laquelle les aficionados de l'éternel enfant terrible du cinéma français seront en pays de connaissance dans l'envoûtement du noir et blanc de Willy Kurant où les fissures des murs répondent aux fissures de l'âme.
Et puis, à mesure que l'on suit ce parcours vers nulle part d'une Anna Mouglalis fatiguée, usant en vain sa voix grave de fumeuse dans une plainte inutile, on comprend qu'on est en face de la quintessence de l'art de Garrel, désormais si habile qu'il peut cacher ses intentions derrière un récit rempli et ne pas succomber aux artifices de l'épure.
Dans "La Jalousie", les personnages abondent et ne sont même pas tenus d'être ces équilibristes d'eux-mêmes qui traversent si souvent les œuvres de Garrel.
Simple histoire d'un couple désemparé qui se sépare, "La Jalousie" touchera par sa simplicité, sa douceur, son non-recours à l'exagération. Même si on ne peut pas résister à l'idée que le cinéaste met beaucoup de ses vies fictionnés ou de son roman familial dans le rôle de son fils, il est indéniable que ce personnage n'a pas l'esprit torturé du garrélien type. Peut-être est-ce par une astuce du scénario, qui le prend plus tôt ou plus tard que d'habitude dans sa vie, à un moment où pour lui la passion amoureuse n'est pas encore devenue une obsession doublée d'une addiction infernale.
Dès lors, "La Jalousie"» paraît être le film idéal pour pénétrer dans l'univers de Philippe Garrel. Loin de tout trafic affectif et de tout chantage émotionnel, il est l'occasion d'un beau portrait de femme. Fragilisée par les ans, à l'image de Monica Belluci dans "Un Été brûlant" le précédent film de Garrel, Anna Mouglalis impose son désespoir derrière les notes faussement naïves et légèrement futiles de Jean-Louis Aubert.
En contrepoint, seul élément moteur pour éviter de renoncer à l'amour et condamner celui-ci à tout jamais, demeure le couple formé par Louis Garrel et sa petit fille.
Quel que soit le jugement que l'on porte sur le film, qu'on le trouve ennuyeux ou passionnant, "La Jalousie" de Philippe Garrel convainc par sa sincérité. Qu'on le veuille ou non, qu'il le veuille ou non, ce poète du cinéma converti à la prose est un maître qu'il faut admirer pour ses leçons de vie qu'il jette depuis plus de quarante ans sur l'écran sans aucun calcul. |