En exergue, une citation de Nietzsche : "Vivre de telle sorte qu’il te faille désirer revivre, c’est là ton devoir".
Mais que l’on ne s’y trompe pas. Le livre de Michel Onfray au titre ludique et libertin n’est pas un catalogue de recettes pour adeptes du kamasutra mais un essai philosophique dans lequel l’auteur, partant d’une expérience personnelle qui recentra la place du corps dans sa vie, nous emporte, sur l’aile d’une plume éclairée, à la recherche du corps perdu.
Et comme la pensée est claire, le style limpide, la langue goûteuse, le néophyte se pique de comprendre la philosophie.
La généalogie de sa morale repose sur les évidences nées du gouffre de la souffrance, provoquée par l’infarctus qui le terrassa en son jeune âge, duquel on remonte avec une conscience accrue : "La mort est la seule certitude que nous ayons. Il s’agit moins de l’apprivoiser que de la mépriser. L’hédonisme est l’art de ce mépris."
Avant d’énoncer ce postulat fondateur d’une politique hédoniste, libertine et libertaire, qui, seule, peut permettre l’épanouissement de l’individu, il nous entraîne sur les chemins de l’histoire de la philosophie.
Et il établit que celle-ci n’aime pas le corps. Même si, au travers de certains événements qu’il nous narre, les philosophes, et non des moindres, puisent souvent leurs intuitions essentielles dans des convulsions biologiques, ils ont la mémoire courte et se pressent d’en revenir au pur esprit.
Il montre également comment la haine du corps, le christianisme et les Lumières faisant front commun, a conduit l’Occident à inventer toutes sortes de carcans idéologiques et moraux pour réprimer les sens et la plénitude de la chair exultante, de la pureté asexuée des anges au mariage bourgeois en passant par toutes les dogmes de l’ascèse.
Cela étant, à chaque époque, Dyonisos, le dieu du désordre, de l’exubérance et de la subversion a inspiré des penseurs, de Diogène aux libertins en passant par les cyrénaïques. Il n’en fallait pas plus pour que Michel Onfray s’intéressât à ces philosophes non orthodoxes et réprouvés et entreprenne une vaste entreprise de réhabilitation de leur pensée.
Au centre de ce combat de La Mettrie, Marx, Nietzsche, Fourier, Sade, Marcuse face à Descartes, Kant, Platon, , Bossuet, Pascal, Fénelon, pour n’en citer que quelques uns, le corps réprimé reprend sa juste place et la philosophie ne saurait choisir entre essence et existence.
Avec le plaisir comme fil conducteur de l’éthique...“ l’homme n’est plus artiste, il est lui même œuvre d’art".