Réalisé par Homeïda Behi. France. Drame. 1h28. (Sortie 18 décembre 2013). Avec Farid Elouardi et Aure Atika

Un couple sans histoire dans un quartier cossu de Tunis, quelque temps après la révolution tunisienne.

Youssef et Claire sont dans l'immobilier. Rien de spécial d'autre à dire d'eux. Des franco-tunisiens modernes, sans problème particulier sauf celui de louer une grande résidence avec piscine, la villa "Nesma".

La première surprise qu'offre "Nesma" est de ne pas être un film préoccupé frontalement par la situation historique de la Tunisie. Là où s'attendait à ce que Homeida Behi fournisse un témoignage sur la Tunisie post-Ben Ali, on comprend très vite qu'on assiste à la mise en place d'un climat étouffant dans lequel tous les détails d'un quotidien banal deviennent les éléments qui vont conduire à un drame ou à son simulacre...

"Nesma" peut donc se lire comme un thriller psychologique, avec pour thème central, celui souvent utilisé du "double" mystérieux qui vampirise peu à peu l'identité "administrative" de Youssef, avant de commencer à travailler son psychisme, à perturber sa vie quotidienne, avant de lui faire commettre des actes irréparables. Un double qui connaît visiblement très bien Youssef et fait remonter en lui une paranoïa, celle qui devait régner sous Ben Ali...

L'été est brûlant et l'atmosphère s'alourdit autour de Youssef, avec au centre cette villa à louer qui prend de plus en plus d'importance, qui cristallise en lui toute un part maudite, inavouable. Ici, dans ce lieu maintenant vide s'est passée l'histoire d'avant, peut-être avec un grand "H" et, maintenant, s'y esquisse les enjeux de l'histoire d'après. Quels secrets cache-t-elle Quels cadavres y sont enterrés ?

Youssef, agent immobilier, a certainement bien travaillé sous l'ancien régime et travaillera aussi bien dans le nouveau. Mais dans l'entre-deux, dans le temps où les comptes se règlent et où de nouveaux s'établissent, tout peut arriver. Et puis, lui-même n'a-t-il pas quelque chose à régler ?

Aure Atika et surtout Farid Elouardi jouent à faire semblant de ne pas être angoissés alors que rôde autour d'eux un danger supposé, réel ou potentiel.

"Nesma" de Homedia Behi réussit à rendre ce climat d'angoisse en pointillé, cet inconnu qui parcourt les époques de changement. Avec sa manière originale de s'inscrire dans l'Histoire ,"Nesma" est une belle proposition de cinéma.