Réalisé par Rob Epstein et Jeffrey Friedman. Etats-Unis. Biopic. 1h33 (Sortie 8 janvier 2014). Avec Amanda Seyfried, Peter Sarsgaard, Sharon Stone, James Franco, Juno Temple et Chloé Sevigny.
Voilà un "biopic" pas banal. Consacrer 93 minutes à une "actrice" porno qui n'a tourné en fait qu'un film X, et qui reste dans l'histoire du genre et l'histoire tout court pour une figure de style buccale, est déjà une performance.
Le faire sans une once de sexe, avec pour seule atout la mignonne Amanda Seyfried qu'on imagine plus proche d'une Blanche-Neige que d'une ravageuse de pantalons, et qui porte bien les tenues vintage de l'époque californienne "flower and power", en est une autre.
Que le film soit l'oeuvre de Rob Epstein et Jeffrey Friedman, deux documentalistes célèbres pour leur travail sur l'homosexualité, étonne et détonne aussi.
Dans sa belle américaine décapotable rouge vif, passant de la perruque lisse à la perruque frisée, punching-ball pour son mentor-mac incarné avec une belle veulerie vicieuse par l'immense Peter Sarsgaard, Linda-Amanda incarne ce rêve américain qui passe vite au cauchemar.
Tout va très vite dans cette courte histoire, celle du moment fugace où Linda Boreman devint Linda Lovelace, "interprète" du fameux "Gorge Profonde". Entre la fifille élevée dans la frustration sexuelle et la future ménagère anonyme et pauvre, il y a ce moment factice, ces paillettes et ces projecteurs qui jaillissent sur ce qui ne fut qu'une bouche avide...
En fait, "Lovelace" de Rob Epstein et Jeffrey Friedman se rapproche du parfait "biopic", c'est-à-dire celui qui serait consacré à un inconnu qui aurait, par exemple, donner du feu à un futur président des États-Unis quand il était étudiant.
Ce qu'il y a d'ailleurs de plus fort dans "Lovelace", ce sont les scènes où interviennent les parents de Lovelace. Évidemment, là, on n'est plus dans la reconstitution d'images publiques et les deux cinéastes ont donc pris le parti paradoxal de confier le rôle de la mère de Linda à Sharon Stone.
Dans ce biopic sur un phénomène éphémère, celui d'une reine d'un jour de la fellation, la vraie star joue Madame-tout-le-monde. Bette Davis vieillissante avait interprété avec une sublime inconscience une femme de chauffeur de taxi faisant la vaisselle, Sharon Stone lui emboîte le pas dans ce rôle où l'on défiera celui qui n'a pas lu son nom dans le générique de deviner la vedette de "Basic Instinct".
C'est sur le travail des acteurs que l'on reconnaît la patte des deux documentaristes qui, d'un côté, suivent les pas d'Amanda Seyfried vers la starification de l'autre, ceux de Sharon Stone vers la consécration.
Biopic plus singulier qu'il n'y paraît, "Lovelace" de Rob Epstein et Jeffrey Friedman est à la fois un divertissement plaisant et une nouvelle interrogation sur le mythe américain, celui de l'homme pris dans la foule et toujours brisé par la "gloire".
On aura une pensée pour cette pauvre petite fille sensuelle qui a gagné 1 200 dollars pour une gâterie qui aura rapporté 600 millions de la même monnaie aux industriels de la pornographie... |