Réalisé par Calin Peter Netzer. Roumanie. Drame. 1h52 (Sortie 15 janvier 2014). Avec Luminata Gheorghiu, Bogdan Dumitrache, Ilinca Goia et Natasa Raab.
Pour illustrer le sujet le plus rebattu depuis 1895, "théâtre et cinéma", "Mère et fils" de Calin Peter Netzer est peut-être le film parfait.
Ici, aucune contestation : on n'est pas loin du théâtre. Tout l'enjeu du film est dans les mots.
Une mère plus que possessive parle sans arrêt de son fils, proche de la quarantaine et toujours pas débarrassé de son excessive domination.
Le scénario voulant que celui-ci renverse et tue un enfant en voiture, voilà sa mère obligée de parler aux policiers, à la famille de la petite victime.
Ce sera l'occasion d'une scène mémorable où cette architecte d'intérieur, machine à parler, machine à convaincre, machine à imposer ses vues, se retrouve face à la mère de l'enfant renversé, et parvient à la faire pleurer sur le sort du sien, sans qu'on sache vraiment si elle est sincère ou si elle cherche à éviter que la famille éplorée ne le poursuive pour homicide par imprudence...
Même le spectateur, qui connaît ses arrière-pensées, peut se laisser duper par le jeu superbe de la maman du chauffard. Théâtralité pure, donc, dans cette démonstration impressionnant de l'actrice Luminita Gheorghiu. Mais aussi cinéma puisqu'à chaque fois, les discussions ne sont pas filmées sans s'adapter à la situation.
A la caméra agitée, tremblante, portée, allant d'un personnage à un autre dans les discussions générales du début du film aux plans séquences économiques en déplacement de caméra pendant le tête-à-tête poignant des deux mères, Calin Peter Netzer multiplie les manières de filmer, de penser les mots dits et de les montrer à l'écran et cela jusqu'à la lumineuse dernière image de l'ultime plan qu'il saisit à travers un rétroviseur...
Si Calin Peter Netzer franchit un cap certain avec ce film qui a bien mérité son Ours d'Or à Berlin, et qui révèle une actrice prodigieuse sous les traits de Luminita Gheorgiu, il faut aussi souligner l'importance du scénariste Razvan Radulescu. Car, quand on parle de "nouvelle vague" roumaine, il en est le quasi-responsable puisqu'il a écrit successivement les scénarios des films roumains les plus marquants de la décennie : "Mardi après Noël", "Shelter", "Boogie", "4 mois, 3 semaines, 2 jours", "La Mort de Dante Lazarescu".
Dans une période où fleurissent les adaptations théâtrales de films, on recommandera aux auteurs et adaptateurs en mal d'idées de s'intéresser à la plume formidable de Razvan Radulescu.
Pour l'heure, qu'ils aillent voir "Mère et fils" de Calin Peter Netzer, ils découvriront une œuvre cinématographique qui sait habilement jouer sur la théâtralité pour traiter d'un sujet sensible et qui aboutit à l'essence de l'émotion dans un final époustouflant, non dans le spectaculaire, mais dans la mesure, la simplicité et le non-dit. |