Mon côté punk. C'est le nom d'un groupe d'une part mais c'est devenu un lieu commun. N'importe qui va reconnaître qu'il a un côté punk (comme la journaliste de France Télévisions Elise Lucet, par exemple) parce qu'il lui arrive de passer au rouge ou de traverser hors les passages à clous. Le côté punk, le no-future, les épingles à nourrice dans les oreilles : tout un bric-à-brac qui aujourd'hui ne fait plus peur aux mamans, ni aux marchands du temple.
Le punk qui s'offre la Cité de la Musique pour une expo sur le phénomène musical des années 80, Sex Pistols en tête. Paradoxe quand "punk" d'après le dictonnaire Robert & Collins signifie "voyou", "mal foutu". Au commencement une injustice, une main qui vous presse la tête pour rester à terre, qui vous force à subir humiliation, mépris, horizon bouché. Le punk est une riposte, une affirmation de soi.
Rikkha est un groupe punk. Depuis cinq ans, un collectif composé de Juliette Dragon au chant, de Marion Lelog aka Lady Machin à la basse, Seb le Bison au chant et à la guitare et Erick "Boom Boom Gah" Borelva à la batterie. La rage et l'énergie, Rikkha en a à revendre. Leur album Nuit Fatale rend justice / hommage aux femmes intrépides. Bien sûr, ça fait bateau ou gnangnan : "vas-y la condition des femmes, encore le discours des vieilles biques !".
Violette Leduc et Simone de Beauvoir ne sont pas des icônes punk mais si on se déplace un peu vers ce qui nous est plus proche, plus contemporain : on trouve Virginie Despentes ou Courtney Love (Hole) ou Debbie Hary (Blondie). Alors je prends Despentes et je parcours : "Le punk rock était le premier constat de l'échec du monde d'après guerre, dénonciation de son hypocrisie, de son incapacité à confronter ses vieux démons." Et quand Stéphanie aka Gloria aka Blondie dans Bye Bye Blondie de Despentes toujours : "Parfois je me demande si, par hasard, je n'aurais pas récupéré une âme mal distribuée. Peut-être que j'étais conçue pour être une guerrière - ou un guerrier, ce n'est pas le propos - mais pour aller me battre, quoi. Vraiment me maraver, prendre des coups, savater des faces, casser des os, des dents, et me faire massacrer à mon tour... Et puis, mettons à cause des champs électriques surchargés depuis les années 60, ça a bifurqué et j'ai hérité d'une énergie de tueur de folie dans un corps d'érémiste. Tu comprends ce que je veux dire ?".
Rikkha revendique la force, la violence des femmes et des filles et l'exprime à travers un travail artistique à celles qui refusent l'emploi, le rôle que la société patriarcale leur concède. Les titres de Rikkha comme "Nuit fatale", "Lullaby", "Les femmes", "Pretty Girl" sont des incitations à la prise de conscience des enjeux de pouvoir : on n'en finit jamais de condamner les propos sexistes. Fini de rire. Le rock punk bruyant, rapide réveille les zombies au visage trop lisse. Rikkha invite lors des soirées performeuses, effeuilleuses burlesques pour une fête de tous les diables, le spectacle d'un monde inversé comme pendant les carnavals du passé.
Rikkha et Nuit Fatale s'apprécient doublement sur scène, parmi son public, aussi élégant et respectueux que leurs bras sont tatoués et leurs bijoux cloutés. |