Comédie dramatique de Monique Esther Rotenberg, mise en scène de Pascal Elso, avec Pierre-Arnaud Juin, Corinne Jaber et Olivia Algazi.

C’est dans un Londres sous l’orage que Stefan Zweig fait son entrée dans son nouvel intérieur. Le tonnerre gronde mais le nazisme aussi.

Nous sommes en 1934 et l’auteur alors au faîte de sa gloire a choisi l’exil pour fuir la chasse aux juifs qui a fait irruption depuis peu à Salzbourg où il réside.

S’attelant à l’écriture de la biographie de Marie Stuart, il accueille plusieurs heures par jour la discrète Elisabeth Charlotte Altmann dite Lotte, la jeune secrétaire choisie par sa femme restée en Autriche, pour l’assister dans son travail et taper son manuscrit.

Bien que bardée de diplômes, la jeune femme est extrêmement impressionnée par la renommée, l’aura et la prestance du célèbre écrivain qui manie avec une ironie aussi mordante que désespérée, les petites phrases et l’autodérision.

Fustigeant tour à tour le gouvernement autrichien, le nazisme et les salons littéraires viennois, il ne se prive pas de se défouler devant une Lotte dont toute la famille juive a dû quitter la Pologne, d’abord médusée puis qui peu à peu commence à s’enhardir et à répondre au romancier.

Peu à peu, les rapports évoluent entre les deux personnages et ce n’est pas les venues fréquentes de Friderike, la femme de Zweig qui empêchera l’idylle entre eux de se dessiner, bien au contraire, les similitudes entre le destin de Marie Stuart et la situation devenant de plus en plus fréquents.

La pièce bien documentée et habilement construite d’Esther Rotenberg montre l’auteur au travail et c’est le premier intérêt de ce spectacle. Fumant cigarette sur cigarette, celui-ci fabrique étape par étape son manuscrit comme un jeu de construction tout en voyant toujours le parallèle avec l’actualité. L’intrigue amoureuse fonctionne plutôt bien avec un triangle classique mais efficace.

Dans un décor de Bernard Fau qui met en valeur le jeu de comédiens, mis en scène avec intensité par Pascal Elso, "La femme silencieuse" bénéficie d’une distribution sans faille. Olivia Algazi est une Lotte crédible entre réserve et exaltation, un personnage qui se métamorphose au cours de la pièce. Corinne Jaber donne puissance et lucidité à Friderike.

Enfin, Pierre-Arnaud Juin incarne avec passion et classe un Stefan Zweig aussi pessimiste quant au destin de l’Europe et du mariage qu’il est joyeux et spirituel au contact de sa secrétaire.

Une pièce de belle facture et une intrigue bien ficelée qu’on suit avec intérêt.