Opéra de Benjamin Britten sur un livret de Ronald Duncan d'après la pièce éponyme de André Obey, mise en scène de Stephen Taylor, interprété par les les solistes de l'Atelier Lyrique de l'Opéra National de Paris et les musiciens du Balcon sous la direction musicale de Maxime Pascal.
Dans l'oeuvre immense de Benjamin Britten, "Le viol de Lucrèce" apparaît comme une œuvre mineure. Écrite en 1946, il s'agit de ce que le compositeur anglais appelait un de ses "opéras de chambre".
Avec seulement huit chanteurs et treize instrumentistes, cette œuvre courte en deux actes raconte un épisode de l'histoire de la Rome antique sous la domination des Étrusques.
C'est un drame puissant, brutal, concis. Tarquin, le roi étrusque qui dirige Rome d'une main de fer, est mis au défi de conquérir Lucrèce, la seule femme romaine connue pour sa fidélité à son époux. Contrainte de s'abandonner au dictateur, Lucrèce décide de se tuer pour laver son honneur. Cette mort d'une âme pure va pousser les Romains à se délivrer du joug étrusque.
La particularité de "The rape of Lucretia" est d'être racontée et commentée par deux choeurs, un choeur masculin et un choeur féminin, composés chacun d'un seul chanteur. Quand s'achève l'opéra, les deux choeurs fusionnent et, faisant fi de l'anachronisme, établissent un parallèle entre Lucrèce et le Christ.
Dans sa mise en scène, Stephen Taylor s'est aussi éloigné du drame romain. Les protagonistes sont dans des tenues militaires des années 1940 qui ressemblent à celles des Anglais se battant à El Alamein contre l'Afrika Korps de Rommel. La transposition ne paraît pas illégitime puisque l'opéra a été écrit pendant la guerre et que Britten fait forcément un parallèle entre les Étrusques et les nazis.
Si le prologue où les deux choeurs exposent la situation et le début du premier acte dans lequel Tarquin s'entretient avec ces alliés romains, Junius et Collatinus, le mari de Lucrèce, paraissent ralentir l'action, la fin du premier acte, où se noue le drame, avec l'arrivée de Tarquin dans la maison de Lucrèce, et le second, où les événements se précipitent jusqu'à la mort de l'héroïne, sont d'une grande intensité.
Certes, on ne trouvera pas ici de "grands morceaux de bravoure" musicaux ni d'airs mémorables et ce n'est pas faire injure à Britten d'écrire qu'il a été plus inspiré. Cependant, "The rape of Lucretia», chanté en anglais, s'écoute sans déplaisir.
Les solistes de l'Atelier Lyrique de l'Opéra National de Paris allient art du chant et de la tragédie, bien accompagnés par les musiciens du Balcon sous la baguette de Maxime Pascal. On retiendra évidemment la prestation toute en sensibilité outragée d'Agata Schmidt dans le rôle-titre.
Par son format court et son intrigue linéaire, "The rape of Lucretia" peut ainsi se concevoir comme une bonne initiation à l'art lyrique.
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