Comédie de Lilian Lloyd, mise en scène de Jean-Luc Tardieu, avec Francis Perrin, Gersende Perrin et Patrick Bentley.
Une pièce bien écrite, avec un sujet émouvant, et un acteur qui sait faire passer une salle du rire aux larmes, que demander de plus ?
Avec "Comme un arbre penché" de Lilian Lloyd, Francis Perrin rappelle qu'il est aujourd'hui au sommet de son art.
Quand Louis pénètre, une boîte de chocolats à la main, dans cette chambre d'hôpital où va entièrement se dérouler l'action de "Comme un arbre penché", il est un peu stressé : après douze ans de brouille, il compte profiter de cette hospitalisation de son ami Philippe pour renouer une amitié à la vie à la mort qui a connu un gros "bug"...
Sauf qu'il découvre un "bug" encore plus gro : son ami Philippe est allongé sur son lit, muré dans un silence absolu et ne peut plus bouger autre chose que sa paupière.
Ce qui devait préfigurer la reprise d'un dialogue interrompu va se transformer en un monologue, puis en autre chose, puisque,même réduit à un "battement d'aile de papillon", Philippe est là et bien là. On se doute que Louis, c'est Francis Perrin et qu'il va pouvoir jouer de son puissant registre pour réussir ces retrouvailles singulières...
D'apparence anglo-saxonne, voire new-yorkaise avec avec l'inévitable "mère juive" truculente d'attention au bout du portable de Francis Perrin, la pièce de Lilian Lloyd porte en elle quelque chose de plus viscéral, de plus humain, de moins mécanique. On pense à la chaleur d'une comédie italienne, genre "Nous nous sommes tant aimés".
En voyant Francis Perrin se dépenser sans compter, mais sans tomber dans les effets ni les outrances, avec une justesse et un grand respect pour son public, on se dit d'ailleurs qu'il boxe désormais dans la catégorie de ces grands Italiens, les Gassman, les Mastroianni, les Tognazzi, qu'il a forcément admirés et qu'il serait peut-être temps que le cinéma français en convienne.
Lilian Lloyd a rythmé sa pièce au tempo des saisons. Ce qui aurait pu être un huis-clos répétitif est au contraire un puzzle passionnant où chacune des visites de Louis permet d'en savoir un peu plus sur une belle amitié et le pourquoi de sa brisure.
On pourrait presque parler de psychanalyse inversée puisque celui qui parle est debout et celui qui ne peut qu'écouter est allongé. Une psychanalyse qui a un autre témoin en la personne solaire de Mathilde, l'aide-soignante à l'écoute de cette amitié.
Mis en scène efficacement par Jean-Luc Tardieu, mieux que bien secondé par Gersende Perrin et par la présence-absence de Patrick Bentley de dos sur son lit silencieux, Francis Perrin, dans "Comme un arbre penché", démontre encore une fois qu'un grand comédien ne triche jamais et que ce qu'il dit à travers un autre le contient tout entier. |