Spectacle conçu à partir de témoignages, d’entretiens radiophoniques et télévisuels et d'une idée originale de Dominique Terrier et interprété par Fatima Soualhia Manet et Christophe Casamance.
Attention ! "Marguerite et moi" n'est pas une adaptation théâtrale de "La Vache et le prisonnier", film d'Henri Verneuil dans lequel Fernandel nouait une grande amitié avec une ruminante nommée Marguerite...
Marguerite, ici, c'est "Margo Duras", celle dont Pierre Desproges disait "Elle n'a pas écrit que des conneries, elle en a aussi filmés", celle qui ne buvait plus mais qu'on pouvait voir, presque jusqu'à la fin, au "Petit Saint-Benoît" en compagnie de Yann Andrea Steiner et d'une bouteille ou deux de Pouilly fumé.
Déjà 18 ans d'années entières qu'elle a quitté les médias d'avant la télé-réalité et on se prend à imaginer tous les passionnants dialogues qu'elle aurait pu avoir si elle avait connu Steevy, Nabila ou Frank Ribéry... Hélas, à l'époque, Marguerite Duras devait se contenter de papotages avec Godard, Platini ou Pivot...
Ce sont des extraits d'interviews que l'on retrouve donc dans "Marguerite et moi", montage-hommage à cette Marguerite qui fit des siennes en col roulé et dont l'écho de la belle voix de fumeuse-buveuse résonne encore dans certaines oreilles...
Dans un décor minimal avec, entre autres, quelques produits de première nécessité qu'elle achetait toujours en double (on saura pourquoi en allant voir le spectacle), un camion semi-remorque (miniature) pour évoquer son chef d'oeuvre cinématographique (qui rend bête les propos poujadistes de Desproges), des livres posés à même le sol, Fatima Soualhia Manet incarne sans la singer l'auteur d'"Hiroshima, mon amour".
Ici le col roulé ou le gilet en cuir sont plus symboliques qu'authentiques, les cigarettes jamais allumées et la diction de Fatima ne recherche pas l'imitation de la voix de Marguerite, celle qu'on entend en off dans nombre de ses films.
Et pourtant la beauté de Fatima Soualhia Manet, sa conviction, sa présence charismatique, tout cela fait qu'on finit par entendre et voir Marguerite bien mieux que dans le film de Josée Dayan où Jeanne Moreau jouait le mimétisme avec M.D.
Installé parmi le public ou se déplaçant sur la scène, Christophe Casamance, le co-responsable du spectacle avec Fatima Soualhia Manet, joue les interviewers. Peut-être le spectacle gagnerait à ce que ses interventions soient toujours off et que Marguerite-Fatima accapare toute l'attention. Car les extraits sont bien choisis.
Certes, il s'agit surtout de dessiner le personnage biographique de Marguerite Duras et l'on ne saura pas grand-chose, à part sa passion inconsidérée et considérable pour "Capri, c'est fini", de ses goûts artistiques, littéraires et cinématographiques, rien de sa résistance, ni de Robert Antelme et de Dyonis Mascolo, pas plus que de son admiration déraisonnable pour François Mitterrand.
Mais on saura gré à Christophe et à Fatima de ne pas avoir mis tous leurs pas dans Wikipédia. On suivra grâce à Fatima le parcours Marguerite, la petite "blanche annamite", devenue communiste, alcoolique et enfin mythe des années 1990.
Au bout de ce joli voyage en Durassie, ponctué par les changements de tenue de Fatima Soualhia Manet, on aura une vision assez cohérente de la réalisatrice d' "India Song". Reste alors à découvrir une œuvre capitale et pas seulement un personnage théâtral. |