Comédie dramatique d'après le roman éponyme de Jean Teulé, mise en scène de Jean-Christophe Dollé et Clotilde Morgiève, avec Jean-Christophe Dollé, Clotilde Morgiève, Mehdi Bourayou et Laurent Guillet.
Après le très prometteur "Blue.fr" avec lequel on les avait découvert et le remarquable "Abilifaïe Léponaix", le Fouic théâtre revient avec cette adaptation brillantissime de "Mangez-le si vous voulez", le roman de Jean Teulé dont Clotilde Morgiève et Jean-Christophe Dollé proposent une version remarquablement aboutie, inventive, au rythme soutenu qui monte en puissance pour nous offrir un final inoubliable de force et d’émotion.
La descente aux enfers d’Alain de Monéys pris pour un prussien en août 1870 dans le petit village de Hautefaye en plein guerre franco-allemande est raconté avec une langue aussi truculente que poétique par un auteur qui s’est fait une spécialité de raconter l’histoire en maniant l’humour noir et la prose cru. Le plus terrible est que le texte de Jean Teulé, est écrit à partir d’un fait réel survenu quasiment tel qu’il est raconté, les personnages étant les vrais protagonistes de ce drame absurde.
Il fallait beaucoup de talent pour arriver à présenter sur scène ce calvaire quasiment insoutenable. Sans occulter le côté trash du roman de Teulé, le Fouic théâtre qui n’a pas son pareil pour fabriquer une ambiance visuelle et sonore, avec son savoir-faire et sa créativité nous en propose une mise en scène éblouissante aux effets judicieux, mis en valeur notamment par la formidable scénographie d’Adeline Caron et Nicolas Brisset : une cuisine dont les éléments se séparent et s’assemblent et dont les tiroirs coulissent tels dans une boîte de magicien.
Clotilde Morgiève et Jean-Christophe Dollé, bien épaulés par Mehdi Bourayou et Laurent Guillet, excellents musiciens qui participent à la narration, mélangent l’énergie et l’humour pour transcender cette farce horrible et en faire un poème d’amour sublime.
Clotilde Morgiève, dont on ne dira jamais assez l’excellente comédienne qu’elle est, parvient en quelques regards et expressions à nous retourner le cœur. Sa présence et sa justesse nous rendent toutes ses interventions percutantes et marquantes.
Quant à Jean-Christophe Dollé, il nous offre une galerie savoureuse de personnages et porte ce cauchemar "lynchien" et "tarantinesque" de sa flamme naïve et d’où naît une profonde humanité.
On n’oubliera pas de sitôt ce lynchage relaté en détail où la barbarie des hommes, leur facilité à prendre un bouc émissaire, aveugle de toute sa bêtise.
"Mangez-le si vous voulez" est un grand spectacle en tous points parfait dont on ne peut que s’enthousiasmer. |