Comédie dramatique de Ferenc Molnár, mise en scène de Galin Stoev, avec Yoann Blanc, Anna Cervinka, Romain Dierckx, Christophe Grégoire, Christophe Montenez, Céline Ohrel, Marie-Christine Orry, Marie-Ève Perron et François Prodhomme.
Quand il écrit "Liliom", en 1909, le dramaturge hongrois Ferenc Molnar conçoit un mélodrame qu'il situe dans les milieux forains. Mais il décide de ne pas s'en tenir au simple mélo puisque, Liliom s'étant suicidé après avoir raté un mauvais coup, il se retrouve devant des juges célestes qui le condamnent à revenir régler ses affaires sur Terre.
"Liliom" est une œuvre qui mélange les genres et allie réalisme et fantaisie. C'est ce que comprendra parfaitement Fritz Lang, en 1934, quand il s'emparera du sujet pour son unique film français.
Un siècle après sa création théâtrale et 80 ans après son adaptation cinématographique, la version de "Liliom" proposée par Galin Stoev diffère totalement de ces devancières. Avant toute chose, la scénographie d'Halban Ho Van évacue les manèges et les flonflons de la fête dont on ne perçoit que quelques échos off.
Désacralisé sans ses chevaux de bois, Liliom n'est plus un bonimenteur magnifique aux yeux des trottins de Budapest. Dès le départ, c'est un perdant peu glorieux et pas du tout ce personnage au grand cœur derrière sa carapace de faux dur, que l'on inscrirait par anticipation dans un certain "réalisme poétique".
S'il tient bien l'intrigue et donne à chaque personnage quelque chose de consistant à défendre, à l'image de Marie-Christine Orry, qui joue Madame Muscat - la propriétaire du manège où travaille Liliom - avec le phrasé titi d'Arletty, Galin Stoev ne peut, par son choix initial, pratiquer une vraie rupture de ton quand survient la dimension fantastique du texte de Molnar, avec intervention des anges et des juges divins.
Ayant poussé le personnage de Liliom vers un certain monolithisme terne, Stoev empêche ainsi Christophe Grégoire, qui n'a jamais été dans l'excès ni dans la truculence, de monter en puissance dans l'émotion. Et même, si le final réussi respecte la logique du texte, on reste frustré de n'avoir en tout et pour tout connu en deux heures que ce fugace moment d'émotion véritable.
C'est dommage car le travail de Galin Stoev n'est pas négligeable. Il rend clair les enjeux envisagés par Molnar. Évidemment, ceux-ci se limitant aux amours contrariés d'une jeune bonne et d'un forain dans l'Empire austro-hongrois finissant, ils ne dessinent pas des problématiques très modernes.
Reste que cette belle mécanique conçue par Galin Stoev fournit un pur divertissement théâtral qui se suit sans ennui. |